Le réalisateur américain Rob Reiner a déjà détesté le président Lyndon B. Johnson à s'en confesser. « J'avais 20 ans, j'étais contre la guerre au Viêtnam, et à mes yeux, LBJ était celui qui allait peut-être m'envoyer à la mort », a raconté hier le réalisateur de 69 ans, après la projection de LBJ.

Hasard ou alignement des planètes, LBJ était présenté après Jackie, qui se passe exactement pendant la même période (pendant et après l'assassinat de Kennedy), mais avant Barry, film sur le jeune Obama, étudiant à New York. Comme quoi, en cette année électorale, la présidence américaine fascine plus que jamais la planète cinéma.

Que dire de ce film de Rob Reiner, cinéaste qui a d'abord roulé sa bosse comme acteur, puis fait sa marque en réalisant des films à succès comme When Harry Met Sally..., Misery, This is Spinal Tap, The Bucket List, et j'en passe ? Que son film, qui s'ajoute à une longue liste de biopics présidentiels, est tout ce qu'il y a de plus classique, ce que le biopic sur Jacqueline Kennedy du Chilien Pablo Larraín n'était pas.

Mais être classique n'est pas un défaut. Au contraire. LBJ est classique en ce sens qu'il est bien fait, bien construit et qu'il nous fait voir LBJ sous un éclairage inattendu et intéressant, en partie grâce à une performance magistrale de Woody Harrelson, rendu méconnaissable par des prothèses et un savant maquillage. Reiner a raconté que le choix de Harrelson n'avait pas fait l'unanimité au départ, l'acteur étant plutôt reconnu pour ses rôles de bum, de fou ou de vagabond. Il y a peut-être aussi le fait que l'acteur est le fils de Charles Harrelson, un tueur à gages qui s'est vanté d'avoir participé au complot pour assassiner Kennedy. Que son fils se retrouve dans la peau de LBJ ne manque pas d'ironie. Mais peu importe.

Harrelson campe un LBJ plus complexe que le Texan rustre et sans manières de la mémoire collective. À travers son jeu tout en nuances, on découvre à la fois une brute et un fin stratège, un homme d'action, mais aussi un homme habité par un sentiment d'imposture et affreusement complexé parce qu'il n'était pas aussi beau ni aussi aimé que John F. Kennedy. Sauf que la loi sur les droits civiques prônant l'égalité des minorités raciales rêvée par Kennedy, c'est LBJ qui a réussi à la faire passer. Ce n'est pas rien.

Qu'on aime ou non LBJ, on sort du film avec une autre vision de personnage, donc plus informé et plus intelligent qu'en y entrant. Ça non plus, ce n'est pas rien.

BARRY AVANT BARACK ET MICHELLE

C'était en 1981 et Barack Obama, qui à l'époque se faisait appeler Barry, venait d'arriver à New York, qui à l'époque tombait en ruine. Le film s'intitule Barry et a le malheur d'arriver après la sortie de Southside With You, film sur les débuts de l'histoire d'amour du futur président avec sa future femme. Dans le film de Vikram Gandhi (nom prédestiné), Barry est encore un étudiant un peu vert, sinon plus blanc que noir, qui se cherche et ne sait pas ce qu'il fera quand il sera grand. Il se sent déphasé, invisible, en conflit avec sa mère hippie, en colère contre ce père kényan qu'il n'a rencontré qu'une fois et toujours en porte-à-faux, trop noir chez les riches parents blancs de sa copine, trop blanc avec ses amis noirs de Harlem. L'histoire ne manque pas d'intérêt, mais le réalisateur, lui, manque de talent et de virtuosité, ce qui l'entraîne trop souvent sur la route des clichés. Sans doute devrait-il aller suivre des cours du soir chez Rob Reiner.

LA REINE DORVAL

Anne Dorval raconte que dès les premières minutes de sa rencontre avec la réalisatrice d'origine bretonne Katell Quillévéré, elle a su qu'elle voulait faire un film avec elle. Dorval était de passage mercredi à Toronto pour la première nord-américaine de Réparer les vivants. « On s'est rencontrées à Cannes en 2015 et ç'a été un vrai coup de foudre. Ce jour-là, sur les conseils de mon agent français, j'ai annulé tous mes rendez-vous pour rencontrer Katell, et je ne l'ai pas regretté. Regarde-moi si elle est belle ! », lance Anne Dorval en indiquant la jeune, belle et blonde réalisatrice qui éclate de rire à ses côtés.

Celle-ci lui retourne le compliment :

« J'ai vu Anne dans Mommy, et sa performance m'a bouleversée comme aucune actrice ne l'avait fait depuis longtemps. Je sais très bien que j'aurais pu choisir parmi une longue liste d'actrices françaises pour le rôle, mais c'est Anne, son énergie et ce mélange de légèreté et de gravité, que je voulais. »

- La réalisatrice de Réparer les vivants, Katell Quillévéré

Le résultat de cette rencontre est un film maîtrisé et touchant qui, dès les premières images, impose sa force et sa sensibilité. La réalisatrice décrit Réparer les vivants comme un film-relais entre la mort - celle d'un jeune surfeur victime d'un accident de la route - et la vie d'une femme, malade du coeur, qui survit grâce à lui. Le sujet du film adapté du roman de Maylis de Kerangal n'est pas nouveau, mais le traitement de Katell est d'une délicatesse, d'une sensualité et d'une maîtrise, à la fois poétique et médicale, à donner des frissons et aussi à arracher des larmes aux plus cyniques.

Quant à la reine Dorval, après avoir charmé le public torontois dans sa robe rose fleurie et ses cuissardes noires, elle est repartie à Montréal, où elle incarnera bientôt une femme médecin des années 40 dans le film Hochelaga de François Girard. Autrement dit, dans la vie comme aux vues, la vie continue.

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Devon Terrell porte les traits d'un jeune Barack Obama dans Barry.

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Anne Dorval dans Réparer les vivants de Katell Quillévéré