Lancé très modestement en 1976, le Festival international du film de Toronto a connu une progression fulgurante au fil des ans. Retour en 10 étapes sur l'évolution d'un événement devenu incontournable.

1976

Création du Festival of Festivals à Toronto par Bill Marshall, Henk Van der Kolk et Dusty Cohl. L'ambition des fondateurs est de présenter aux cinéphiles torontois les meilleurs films produits dans le monde, pour la plupart anglo-saxons. L'événement attire alors environ 35 000 spectateurs. Ironiquement, Hollywood refuse de participer, car il estime que ses films y seraient probablement mal servis.

1978

Ayant déjà banni de son territoire le film de Louis Malle Pretty Baby, le bureau de censure de l'Ontario exige qu'une scène de nature sexuelle soit retranchée du film d'ouverture In Praise of Older Women, film produit par Robert Lantos et Denis Héroux. La légende veut que le projectionniste ait fait fi de la consigne. Cela dit, le Festival of Festivals a régulièrement maille à partir avec la censure pendant ses 10 premières années d'existence. Des films signés Godard et Cronenberg doivent même être présentés en version charcutée. En sa qualité de festival, l'événement obtient enfin une exemption en 1987.

1981

La première nord-américaine de Chariots of Fire a lieu dans la Ville Reine. Alors pratiquement inconnu des cinéphiles, le cinéaste britannique Hugh Hudson marque les esprits grâce à cette histoire tirée des Jeux olympiques de 1924. Les cinéphiles torontois lui attribuent le prix du public. Quelques mois plus tard, Chariots of Fire créera la surprise en décrochant l'Oscar du meilleur film.

1983

Ne sachant trop comment mettre son film en marché, le grand studio Columbia présente The Big Chill au Festival of Festivals de Toronto afin de le «tester» auprès du public. L'essai est concluant. Le drame choral de Lawrence Kasdan, qui confirme les talents de Glenn Close, William Hurt, Kevin Kline et quelques autres, ouvre l'événement avec grand succès. Et fera l'objet d'une rumeur favorable qui le conduira aux Oscars.

1984

Pour la première fois, un prix est remis au meilleur long métrage canadien présenté dans le cadre du festival. Léa Pool obtient la récompense grâce à La femme de l'hôtel. Onze autres cinéastes québécois ont eu droit à cet honneur au fil des ans, le dernier étant Maxime Giroux. Félix et Meira a en effet été plébiscité l'an dernier.

1994

Le Festival of Festivals de Toronto change son nom pour devenir le Toronto International Film Festival (TIFF). Quatre ans plus tard, le journal spécialisé Variety décrète que le TIFF est désormais le deuxième festival de cinéma en importance après Cannes («en matière de programmation, de présence des vedettes et d'activités au Marché»).

1999

Le public de Toronto attribue le prix du film le plus populaire à American Beauty. Le film de Sam Mendes triomphera aux Oscars l'année suivante. Les bonzes de Hollywood commencent à faire du TIFF leur festival par excellence. Du coup, l'événement torontois devient incontournable pour les professionnels du cinéma du monde entier. Débute alors l'ère du gigantisme.

2001

Pendant que professionnels et journalistes sont en train de regarder le film de Mira Nair Monsoon Wedding, lauréat du Lion d'or à Venise trois jours plus tôt, deux gros avions s'encastrent dans les tours jumelles du World Trade Center à New York. En ce 11 septembre, le TIFF cesse ses activités pour la journée. Il les reprendra le lendemain, mais tous les événements plus «glamour» sont annulés. Le destin a voulu que Jeanne Moreau soit la première personnalité à prendre la parole publiquement au lendemain des attaques. «Nous sommes libres. Notre imaginaire ne comporte aucune limite. Nous n'avons pas le droit de nous arrêter de vivre», a-t-elle déclaré.

2010

Le Bell Lightbox est inauguré et sert désormais de quartier général au TIFF. Situé en plein coeur du quartier des spectacles, le plus beau complexe cinématographique du pays recentre pratiquement toutes les activités au même endroit. Habitués de courir aux quatre coins de la Ville Reine jusque-là, les festivaliers découvrent les joies et les vertus d'un endroit qui vibre au rythme du festival.

2014

Espérant couper l'herbe sous le pied de la Mostra de Venise et du festival de Telluride, le TIFF annonce que la programmation des quatre premiers jours du festival sera uniquement composée de primeurs mondiales. Les films déjà présentés ailleurs sont désormais relégués à la deuxième portion de l'événement, beaucoup moins fréquentée par les professionnels. Qualifiée d'arrogante par plusieurs producteurs, la mesure est aujourd'hui abandonnée.