Jon Stewart a laissé tomber sa personnalité de satiriste pendant trois mois pour se consacrer à la réalisation de Rosewater, un film tiré de l'histoire d'un journaliste canado-iranien emprisonné et torturé en Iran.

Dans sa vie de tous les jours, Jon Stewart est un brillant satiriste dont le bulletin de «fausses» nouvelles a fait école. Parmi les invités accueillis à son émission The Daily Show en 2009: Maziar Bahari. Le journaliste canado-iranien était alors à la veille de son départ pour l'Iran, histoire de couvrir là-bas une élection présidentielle tenue dans un contexte de contestation.

S'interrogeant sur la légitimité d'un résultat annonçant la victoire sans équivoque de Mahmoud Ahmadinejad, le journaliste fut accusé d'espionnage - en partie à cause de son passage à l'émission de Stewart - et fut conduit à la prison d'Evin, à Téhéran, pour y être interrogé sans relâche. Maziar Bahari a relaté cet épisode de sa vie, qui a duré 118 jours, dans un livre intitulé Then They Came for Me. C'est ce récit que porte aujourd'hui Jon Stewart au grand écran, avec Gael García Bernal dans le rôle du reporter. L'acteur mexicain offre d'ailleurs une très solide performance.

Même si Rosewater aborde des thèmes importants - la notion de liberté de la presse notamment - et qu'il nous interpelle directement, force est de constater que Jon Stewart, qui fait ici ses débuts derrière la caméra, a un peu de mal à traduire l'urgence de son propos.

Raconter maintenant

Pourtant, Stewart a confié à l'animateur Jian Ghomeshi, au cours d'un entretien présenté dans le cadre de la série Mavericks, avoir ressenti l'urgence de tourner ce film rapidement.

«J'estimais que cette histoire devait être racontée maintenant. Plutôt que d'entreprendre de longues démarches pour trouver un scénariste et un réalisateur, j'ai décidé de tout faire moi-même et de puiser à même mon expérience en cinéma. Après tout, j'ai tourné Death to Smoochy ici même à Toronto!»

Quand on lui demande s'il se sent responsable des malheurs de Bahari en Iran, le satiriste répond par une boutade: «Je suis américain. Je présume que tout est de notre faute!»

Même si l'approche empruntée pour Rosewater est beaucoup plus sérieuse que celle privilégiée dans The Daily Show, Jon Stewart ne voit pas la distance entre les deux formes aussi grande qu'on pourrait le croire. D'autant que des touches d'humour viennent parfois, malgré tout, ponctuer son récit.

«La satire aide les idiots comme moi à transcender la réalité, a-t-il déclaré. Quand ton pays envahit sans raison un autre pays, tu fais des blagues pour composer avec ta honte. Ce film donne simplement l'occasion de parler de ça d'une autre façon.»

Il a d'abord pensé tourner son film en farsi, mais s'est ravisé ensuite, histoire de pouvoir rejoindre le plus large public possible.

Rosewater prend l'affiche en Amérique du Nord au mois de novembre.

Deux belles signatures québécoises

Les films d'auteur québécois sont un peu noyés dans la masse des 285 longs métrages sélectionnés au TIFF, mais les séances publiques font néanmoins le plein de cinéphiles. Salle comble en outre pour L'amour au temps de la guerre civile, le nouveau film de Rodrigue Jean. Même s'il a fait appel à des comédiens, le réalisateur de Lost Song (prix du meilleur film canadien au TIFF en 2008) se glisse ici dans la vie de «poqués de la vie» de façon très réaliste. Son nouveau film est un peu le prolongement de son extraordinaire documentaire Hommes à louer. À la différence qu'il n'y a ici aucun témoignage, aucune volonté de psychologie.

Alexandre Landry, qui interprète le rôle d'un junkie qui fait des passes pour payer sa dope, a découvert ce film, tourné il y a deux ans, en même temps que le public du TIFF.

«Rodrigue insistait pour que je voie le film une première fois dans le contexte d'une projection publique, a indiqué l'acteur à La Presse. J'avais du mal à comprendre la raison de cette requête au début, mais finalement, je trouve que ça a du sens. Ce film-là est une expérience à vivre, autant pour les acteurs que pour le public.»

De son côté, Maxime Giroux (Demain, Jo pour Jonathan) a aussi séduit un public fidèle grâce à Félix et Meira. Ce long métrage évoque une histoire d'amour improbable entre une femme mariée hassidique (Hadas Yaron, magnifique de retenue et de finesse) et un «déclassé» de bonne famille (remarquable Martin Dubreuil). Un film riche d'atmosphères, où le non-dit crie sa douleur et sa résignation, que Giroux met admirablement en scène.

Ces deux longs métrages québécois devraient en principe prendre l'affiche chez nous l'hiver prochain.