L'Américain Bobby Fischer, à la fois génie des échecs et personnage totalement paranoïaque, revit intensément sous les traits de l'acteur Tobey Maguire dans Pawn Sacrifice, dévoilé en première mondiale au Festival international du film de Toronto.

Centré sur le «match du siècle» qui s'est déroulé en 1972 à Reyjavik et a opposé pour le titre mondial l'Américain Fischer au Soviétique Boris Spassky, Pawn Sacrifice retrace autant l'histoire d'un personnage hors norme mort en exil en Islande en 2008 que celle d'une époque qui a fait des deux protagonistes des porte-drapeaux des États-Unis et de l'URSS en pleine guerre froide.

«Un gamin de Brooklyn contre l'empire soviétique», résume l'avocat de Fischer dans le film, alors que, rappelle-t-il, les Etats-Unis ont «perdu la Chine et le Vietnam».

Le film d'Edward Zwick (Légendes d'automne, Le dernier samouraï) revient sur les débuts fulgurants de Fischer, plus jeune champion d'échec des États-Unis à 14 ans, grand maître à 15 et qui a voué sa vie entière à ce jeu.

«D'une certaine manière, il a été le premier héros punk. Il a été une sorte de pré-punk car il était ingérable, arrogant, il n'avait rien à faire de ce que pensait les autres», explique le réalisateur qui signe un long métrage de facture classique mais efficace porté par la distribution avec en tête Tobey Maguire (trois premiers Spider-Man, Gatsby le magnifique), également coproducteur.

Fischer a dédié très tôt sa vie aux échecs, nuit et jour, arrêtant ses études, s'isolant année après année des autres, adoptant des comportements instables comme ne pas apparaître à une partie d'échecs essentielle ou refuser de jouer s'il n'a pas les conditions qu'il veut (silence total, argent).

Face à un Boris Spassky (Liev Schreiber, Scream, Apprenti gigolo) aussi puissant physiquement que mentalement, super entouré par les autorités russes qui en font la vitrine de leur pays, Fischer fait pâle figure. Et pourtant, c'est lui qui l'emportera en inventant de nouveaux mouvements.

Fischer va payer le prix fort pour cette victoire, car il développera en parallèle une paranoïa aigue voyant des espions du KGB et de la CIA partout, ou multipliant les déclarations antisémites entre autres.

C'est la deuxième fois cette année qu'un film évoque la guerre froide via le sport. À Cannes déjà, un documentaire de Gabe Polsky intitulé Red Army racontait l'instrumentalisation de l'équipe de hockey-sur-glace de l'Union soviétique à des fins de propagande.

En 2011, l'Américaine Liz Garbus avait consacré un documentaire au champion d'échec américain, Bobby Fischer Against the Rest of the World.

À sa mort, le champion Garry Kasparov dira que Fischer a été «le plus grand joueur d'échecs de tous les temps».

Ce film est l'un des premiers biopics présentés à Toronto avec notamment A Theory for Everything, The Imitation Game et Love and Mercy, consacrés respectivement au physicien théoricien Stephen Hawking, au mathématicien Alan Turing qui a joué un rôle décisif pendant la Seconde Guerre mondiale pour briser les codes nazis, et au leader des Beach Boys, Brian Wilson.