Même si la dernière partie est trop appuyée et tombe dans les bons sentiments, le premier film américain de Philippe Falardeau est tout à fait honorable.

Les premières scènes de The Good Lie font écho à la guerre civile au Soudan du Sud au cours des années 80 et 90. Les situations décrites sont violentes. Les personnages s'expriment dans leur langue et cette partie du film est sous-titrée. Dans un long métrage américain, voilà un fait plutôt rare. Encore davantage dans une production distribuée par un grand studio hollywoodien.

Philippe Falardeau n'a pas eu le contrôle sur tous les aspects de son film, mais on reconnaît néanmoins d'emblée la touche délicate du réalisateur de Monsieur Lazhar. Faisant écho au phénomène des Lost Boys de l'époque - des orphelins qui ont eu l'occasion de se faire une nouvelle vie en Occident après être passés par un camp de réfugiés -, The Good Lie évoque une histoire de survie dans un contexte pour le moins difficile.

Accueillis à leur arrivée à Kansas City par une agente chargée de leur trouver de l'emploi (Reese Witherspoon), trois de ces garçons devront maintenant apprendre les codes de la société américaine pour tenter de s'intégrer. C'est probablement dans cette partie du récit que la griffe de Falardeau se fait davantage valoir. Le regard un peu espiègle du cinéaste fait d'ailleurs écho au choc culturel que les personnages éprouvent, un peu comme des «Visiteurs» venus du Soudan du Sud plutôt que du Moyen-Âge.

Les difficultés d'intégration et le regard que porte aussi le citoyen «de souche» sur ces étrangers, sont évoqués sans ne jamais tomber dans la démonstration trop lourde. Dommage que la dernière partie du film verse dans les bons sentiments au son des notes vraiment trop insistantes d'une partition musicale pourtant signée Martin Léon. L'autocongratulation patriotique - les États-Unis, terre d'accueil - est de mise. Un appel aux dons à une fondation est lancé au générique.

Il y a 20 ans, Falardeau était allé au Soudan du Sud pour signer la photo du film Attendre de Marie-Claude Harvey. Ils ont dû être évacués deux fois.

«Nous avions un sentiment de ratage et d'impuissance, expliquait hier le cinéaste à un groupe de journalistes québécois, quelques heures avant de fouler le tapis rouge.

«Quand j'ai lu le scénario de The Good Lie, ce fut viscéral. Je ressentais le besoin de retourner là-bas. Je crois que même si le scénario avait été mauvais, j'aurais accepté quand même!»

Quand on lui demande ce qu'il retire de cette expérience américaine, le cinéaste répond que ce fut «une éducation».

«Les règles étaient bien établies dès le départ, précise-t-il. Le mandat était de faire un film accessible pour des gens qui ne connaissent rien de ce sujet, et qui n'ont aucun intérêt pour ça. À partir de là, il faut choisir ses batailles. J'ai tenu à faire auditionner de vrais réfugiés. Les producteurs ont acquiescé à ma demande. Après, c'est une question de sensibilité narrative. Et il faut essayer de plaire à tout le monde. Au Québec, le cinéaste est souverain dans sa juridiction. Là, on est venu me chercher pour effectuer un travail. L'expérience est différente, c'est certain, mais je recommencerais demain matin!»

En anglais seulement

Le studio Warner, qui assure la distribution en Amérique du Nord, a prévu une sortie progressive pour The Good Lie. Le film prendra l'affiche le 3 octobre dans certains marchés clés, mais seulement le 24 octobre à Montréal. Aucune autre ville québécoise ne figure au calendrier pour l'instant. Aucune version doublée en français ne figure dans les plans non plus. C'est dire que The Good Lie, qui a été lancé en primeur mondiale hier au TIFF, prendra l'affiche chez nous en anglais seulement.

«Quand tu vises un large public aux États-Unis - c'est le mandat des grands studios -, ce n'est pas du tout comme au Québec, fait remarquer le cinéaste. Il y a des différences culturelles marquées. Il est certain que si j'avais fait le même film chez nous, il aurait sans doute été plus dur, plus cru. Quand tu travailles chez les Américains, il faut que tu tiennes compte de toutes sortes de considérations. Par exemple, le public dans la «Bible Belt» peut être heurté par un simple juron.»

Philippe Falardeau entreprend au cours des prochains jours à Val-d'Or le tournage de Guibord s'en va-t-en guerre, une comédie politique dont les têtes d'affiche sont Patrick Huard et Suzanne Clément.

L'après-Intouchables...

Éric Toledano et Olivier Nakache s'amènent dans la Ville Reine avec quelques atouts de taille dans leur jeu. Forts du succès historique d'Intouchables - 19 millions de spectateurs en France seulement -, ils proposent maintenant Samba, un film dont la vedette est Omar Sy, leur acteur fétiche depuis cinq films. Dans cette comédie dramatique, ce dernier prête ses traits à un «sans-papier» sénégalais, installé en France depuis longtemps, qui tente de trouver le moyen d'être en règle. Il croisera sur sa route une professionnelle épuisée (Charlotte Gainsbourg) qui, elle, tente de se reconstruire en faisant du bénévolat dans une association qui vient en aide aux illégaux.

Encore une fois, le tandem concocte une comédie en abordant un sujet sérieux. Si l'ensemble sent parfois un peu la recette, force est quand même de constater l'efficacité de la démarche. Charlotte Gainsbourg est craquante dans le rôle de cette femme toujours un peu à côté de ses pompes, et la complicité avec Omar Sy est tangible. On reparlera de ce film attachant lors de sa sortie chez nous, prévue l'hiver prochain.