Il est difficile de l'imaginer aujourd'hui, mais il y a 27 ans, les premiers spectateurs à avoir vu le film culte de Rob Reiner The Princess Bride se trouvaient à Toronto.

Il en fut de même en 1994 pour The Shawshank Redemption, qui demeure le film le mieux classé parmi les utilisateurs du site IMDB. Crash a d'abord été présenté à Toronto en 2004 avant de remporter l'Oscar du meilleur film. Silver Linings Playbook et Boogie Nights ont aussi été offerts en première dans la ville reine.

Le Festival international du film de Toronto (TIFF) a été la rampe de lancement de tous ces films, de même que de Rushmore, Almost Famous, Moneyball, Sideways, Ray et The Big Chill. Mais dans les dernières années, le TIFF a fait face à de la concurrence dans sa chasse aux premières, de la part des festivals de Venise, de New York et, de manière plus importante encore, de Telluride, au Colorado.

Chacun des sept derniers gagnants de l'Oscar du meilleur film - 12 Years a Slave, Argo, The Artist, The King's Speech, The Hurt Locker, Slumdog Millionaire et No Country for Old Men - avait été projeté au TIFF... après avoir été présenté ailleurs d'abord.

Alors que le festival torontois a déjà été perçu comme un événement qui ne recherchait pas les premières à tout prix, ses organisateurs ont resserré les règles en janvier, précisant que tous les films projetés dans les quatre premiers jours du festival devraient être des premières, ou du moins des premières nord-américaines.

Le directeur artistique du festival, Cameron Bailey, assure que la politique n'a pas influencé la sélection des films en tant que telle, mais bien seulement la place des films choisis dans la programmation.

On se demande malgré tout pourquoi autant d'importance est placée sur un enjeu - le titre de «première mondiale» - dont le public en général ne semble pas vraiment se soucier.

«Le lancement d'une oeuvre d'art, la première fois qu'elle est dévoilée devant public, est important pour un artiste», a expliqué Bailey lors d'une récente entrevue.

«Les conditions entourant (ce lancement), la façon dont c'est fait, l'endroit où il a lieu, les gens qui seront présents, toutes ces choses ont leur importance.»

La réputation de Toronto comme porte d'entrée de la saison des récompenses fait en sorte que plusieurs cinéastes continuent de choisir le TIFF pour la première de leur film. Mais la taille de l'événement - il propose 393 films cette année - en pousse d'autres à privilégier de plus petits festivals pour attirer davantage l'attention sur leurs oeuvres et, l'espèrent-ils, conclure des ententes de distribution.

«Chaque cinéaste doit décider quel endroit servira le mieux l'intérêt de leur film», a expliqué le réalisateur Richie Mehta, de Mississauga en Ontario.

En 2013, le drame de Mehta, Siddharth, avait été présenté à Venise avant d'arriver au TIFF. Pour sa première américaine, le cinéaste avait choisi le Festival international du film sud-asiatique de New York, un événement plus petit et plus ciblé.

C'est à cet endroit qu'il dit avoir conclu «une extraordinaire entente de distribution aux États-Unis» et il ne croit pas qu'il aurait pu être aussi satisfait si son film avait fait partie d'une programmation plus large.

«Je suis convaincu que si nous avions présenté le film dans un plus grand festival américain, nous n'aurions pas conclu cette entente, a-t-il avancé. Nous aurions été perdus, c'est certain.»

«Une première mondiale au TIFF est une chose merveilleuse, a-t-il ajouté. (Mais) si la première mondiale n'a pas lieu au TIFF, elle aura lieu ailleurs et c'est peut-être exactement ce dont votre film a besoin.»

Le Festival du film de Toronto se poursuit jusqu'au 14 septembre.