Les cinéastes autochtones mettent en scène leur propre histoire au festival du cinéma de Toronto, battant en brèche l'image déformée que les studios d'Hollywood projettent d'eux depuis un siècle, particulièrement dans les western.

L'émergence de cette nouvelle cinématographie est le fruit de la confiance grandissante et des espoirs qu'affichent une nouvelle génération de jeunes vivant dans des communautés autochtones, tout comme du désir des cinéphiles d'entendre des histoires authentiques, ont indiqué des cinéastes lors d'une table ronde organisée vendredi au festival.

«Notre iconographie a été saupoudrée dans les films depuis le début du cinéma, mais n'a jamais été représentée correctement. Les choses commencent à changer», a déclaré le cinéaste Jeff Barnaby, un Mi'gmaq né dans une réserve de la Gaspésie, au Québec.

«Nous défaisons un siècle de déformation», a-t-il dit lors de cette table ronde sur le cinéma autochtone, une première au festival de Toronto, où il a dévoilé sa plus récente production, «Rhymes for Young Ghouls» (Rimes pour jeunes goules), mettant en vedette l'acteur mi'gmaq Glen Gould.

Gould a comparé l'émergence du cinéma autochtone à un retour à la tradition.

«Traditionnellement dans nos communautés, nous avions des conteurs depuis très, très longtemps. Puis lorsque le cinéma est arrivé, nos histoires ont été racontées par d'autres que nous, il y a même eu des Italiens qui ont joué le rôle d'Indiens», a-t-il dit. «Mais maintenant nous avons cette vague d'écrivains et de conteurs autochtones...»

Les militants autochtones se sont longtemps plaint que le soi-disant indien d'Hollywood ne reflétait pas la réalité amérindienne contemporaine, ni leur passé historique.

La réputée cinéaste documentariste Alanis Obomsawin, qui est de retour au festival avec «Hi-Ho Mistahey», explique elle aussi l'émergence du cinéma autochtone par une plus grande ouverture du public et, surtout, la prise de conscience de jeunes autochtones qui découvrent leur identité.

«Quand vous découvrez qui vous êtes, c'est le début d'une grande vie et c'est ce qui se produit en ce moment parmi nous. Je le vois et je l'entends», a-t-elle dit.

La productrice Jennifer Podemski, de communauté muscowpetung en Saskatchewan, sent cependant que les autochtones ont encore du chemin à parcourir avant d'être reconnus: «J'ai comme l'impression que nous frappons sur les murs juste pour être entendus», a-t-elle estimé.

«Pas de mot pour propriété»

Alors que les panélistes abordaient la question des autochtones qui se réapproprient leur histoire, Mme Podemski a fait remarquer qu'il n'y a «pas de mot pour propriété» dans la plupart des langues autochtones.

Son film, Empire of Dirt, sera présenté en première mondiale à Toronto cette semaine.

Plusieurs des films autochtones à l'affiche au festival ont connu une longue gestation, presque une décennie, par exemple, dans le cas de celui de Mme Podemski, qui a dû se battre pour obtenir du financement.

Mme Obomsawin a commencé à travailler sur son film il y a trois ans, mais elle l'a mis en veilleuse l'an dernier pour tourner l'objectif de sa caméra vers une crise majeur du logement dans la communauté autochtone d'Attawapiskat, en Ontario, qui a ému le Canada.

La thématique de plusieurs des films autochtones au festival tourne autour du combat des autochtones pour recevoir un enseignement digne de ce nom.

Seul non-autochtone à prendre part à la discussion, le réalisateur de «Empire of Dirt», Peter Stebbings, a expliqué qu'il avait voulu faire un film sur la justice sociale et sur «des personnages que nous n'avons pas vraiment vu souvent au cinéma».

«Je voulais aller au-delà des questions d'identité», a-t-il souligné.

Le festival du cinéma de Toronto, qui se poursuit jusqu'au 15 septembre, présente aussi Mystery Road, du cinéaste australien Ivan Sen, une enquête sur le meurtre d'une jeune aborigène, et Around the Block, qui suit un étudiant aborigène aux prises justement avec des questions d'identité.