Les Québécois sont nombreux au festival Sundance, qui débute aujourd'hui et se déroule jusqu'au 1er février, notamment dans les sections d'avant-garde comme New Frontier. On y retrouvera, entre autres, Félix Lajeunesse et Paul Raphaël.

La réalité virtuelle fait exploser le monde des images en mouvement. Le studio montréalais de Félix Lajeunesse et Paul Raphaël est aux premières loges de cette nouvelle révolution. Les deux partenaires créent des oeuvres qui utilisent une technologie unique de captation en 3D 360°.

Quand le cinéma est né il y a 120 ans, les images documentaires représentaient le nec plus ultra des images animées. Plus l'impression de réalité était forte, plus l'art s'approchait du cinéma.

Aujourd'hui, Félix et Paul repousseront un peu plus les limites du réel et de l'art en présentant au festival Sundance trois expériences de réalité virtuelle: Strangers de Patrick Watson, le film Wild et, en première mondiale, un documentaire de huit minutes, Herders, sur des éleveurs de yaks nomades en Mongolie.

«Les grands studios de Hollywood voient dans cette technologie une extension du cinéma, peut-être même un nouveau médium en soi», affirme Félix Lajeunesse.

Fox a pris contact avec Félix et Paul pour leur commander une oeuvre autour du film Wild de Jean-Marc Vallée. Résultat: une expérience de réalité virtuelle qui nous plonge dans une forêt de la côte Ouest avec Reese Witherspoon, Laura Dern et un sympathique renard. Il ne manque que l'odeur des pins!

«On n'avait pas à raconter l'histoire, mais on a exploré l'univers émotionnel du film. Le plus fabuleux, en réalité virtuelle, n'est pas le spectacle, mais la relation qui se crée entre le spectateur et les personnages, dans la subtilité des émotions», note le créateur.

Vague virtuelle

Jusqu'à il y a moins de deux ans, Félix et Paul gagnaient bien leur vie comme réalisateurs de publicités, vidéoclips, courts métrages et documentaires. Désormais, ils surfent sur une vague virtuelle naissante, et il est difficile de dire où leur créativité va les mener.

«La technologie va évoluer et devenir de plus en plus abordable. Les spectateurs s'y habituent progressivement aussi. On peut penser qu'il y aura des oeuvres plus longues. On ne raconte pas une histoire de la même façon en réalité virtuelle. Notre expérience et l'équipement à la fine pointe que nous utilisons ont convaincu les gens de la Fox», raconte-t-il.

Leur chemin croise donc celui de Hollywood pour le moment, ce qui leur a donné des moyens et d'autres idées.

«L'industrie était totalement indifférente à cela il y a un peu plus d'un an. En quelque temps, c'est devenu un buzz planétaire. C'est un changement de mentalité spectaculaire», dit-il.

Patrick Watson

L'enregistrement d'une chanson de Patrick Watson (Strangers) est leur premier projet à avoir été présenté publiquement. Là aussi, le spectateur a l'impression irréelle d'être au centre de l'action, invisible, mais assis sur une chaise dans le salon du chanteur tout près du chien de la maison qui écoute sagement.

«L'état d'esprit du spectateur s'approche plus de l'univers onirique que d'une expérience pure de réalité, explique-t-il. La réalité virtuelle n'est pas une transposition de la réalité. C'est un espace intermédiaire entre rêve et réalité. Cette zone-là est très riche en termes créatifs.»

On sent qu'on est aux balbutiements d'une nouvelle forme d'expression, d'un nouvel art en quelque sorte.

«Il va y avoir de l'abstraction pure et des choses très terre à terre, croit Félix Lajeunesse. Nous, on chemine là-dedans en faisant ce dont on a envie.»