Le 71e Festival de Cannes va-t-il couronner une réalisatrice ? À quelques heures de l'annonce du palmarès établi par Cate Blanchett et son jury, la question était dans les esprits sur la Croisette au terme d'une édition post-Weinstein placée sous le signe des femmes.

L'heureux élu, ou heureuse élue, parmi les 21 films en compétition, pour recevoir la Palme d'or un an après The Square du Suédois Ruben Östlund, sera désigné lors de la cérémonie de clôture à partir de 19 h 15 (13h15, HE).

En attendant, et tandis que tous les projecteurs étaient braqués sur le mariage du prince Harry, les festivaliers se livraient au petit jeu des pronostics. Les films du Sud-Coréen Lee Chang-dong, du Japonais Kore-Eda et de la Libanaise Nadine Labaki, une des trois femmes en compétition, ont été très bien accueillis.

Mais difficile de dire quelle direction va prendre le jury, après un Festival très politique dont la sélection, si elle est saluée par certains, s'est aussi attirée des critiques à l'issue des ultimes projections.

« Cannes, réveille-toi ! », titrait samedi le quotidien français Le Parisien, pour qui cette édition « ne laissera pas un souvenir impérissable ». Pour Le Figaro également, « Cannes descend d'une marche », avec des « films décevants » et une « absence de vedettes américaines ».

Le magazine américain Hollywood Reporter est même allé jusqu'à juger le Festival « sur le déclin », du fait notamment de son manque de vedettes et de gros films américains (seulement deux en compétition).

Mais pour d'autres cependant, comme Vanity Fair, Cannes « s'est réaffirmé comme la première destination pour un cinéma international audacieux et provocateur », tandis que, souligne le site américain Vox, les femmes ont fait « le plus gros buzz en dehors des salles ».

Jury engagé

Cette année, les femmes ont en effet été visibles comme rarement. Avec une image forte : cette montée des marches de 82 femmes du 7e art pour « l'égalité salariale ».

Depuis sa création, le Festival n'a décerné la Palme d'or qu'à une seule réalisatrice, la Néo-Zélandaise Jane Campion. C'était il y a 25 ans pour La leçon de piano.

« Il y a plusieurs femmes en compétition [mais] elles y sont pour la qualité de leur travail. Nous les évaluerons en tant que cinéastes », avait affirmé l'actrice australienne Cate Blanchett, qui fut la véritable reine de cette édition.

« Ce qui me plaît le plus dans ce jury, c'est qu'il est engagé », pour la chanteuse burundaise Khadja Nin. Elle fait partie du jury, aux côtés des acteurs Chang Chen, Léa Seydoux et Kristen Stewart, et des réalisateurs Denis Villeneuve, Robert Guédiguian, Ava DuVernay et Andrei Zviaguintsev.

Tous se sont retrouvés samedi matin, à huis clos et sans portable, dans une villa proche de Cannes, pour se mettre d'accord sur les sept prix à remettre.

La course à la Palme reste très ouverte : Cannes a accueilli cette année le retour en compétition de Jean-Luc Godard et de Spike Lee, qui n'est pas passé inaperçu avec son pamphlet BlacKKKlansman, ainsi que la sélection de deux cinéastes sous surveillance : le Russe Kirill Serebrennikov, qui a séduit la Croisette avec son film musical Leto, et l'Iranien Jafar Panahi pour Trois visages.

Parmi les nombreux films en provenance d'Asie, le thriller Burning a le plus bluffé la critique. Un panel international de journalistes cinéma, interrogés par la revue Screen, la note 3,8 sur 4, un record.

Des enfants à l'écran

Dans une veine plus intimiste, Une affaire de famille de Kore-Eda, grand habitué de la Croisette, a bouleversé les festivaliers, par son histoire d'enfant maltraitée recueillie par une famille de marginaux.

Un thème en résonance avec le Capharnaüm de Nadine Labaki, émotion des derniers jours. Dans le film, un gamin des bidonvilles à Beyrouth (interprété par Zain Al Rafeea, un jeune réfugié syrien) attaque ses parents pour lui avoir donné la vie.

L'Italie est également bien placée, avec Dogman de Matteo Garrone, sur un toiletteur pour chiens incarné par Marcello Fonte - l'un des favoris pour le prix d'interprétation - et Heureux comme Lazzaro, une fable empreinte de spiritualité d'Alice Rohrwacher.

Présentés en début de festival, les films Cold War de Pawel Pawlikowski et Les Éternels de Jia Zhangke pourraient aussi figurer au palmarès, pour la prestation intense de leurs actrices respectives, Joanna Kulig et Zhao Tao.

Les festivités se termineront par la projection de L'homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, longtemps considéré comme un film maudit. Un ex-Monty Python « heureux » lors de son intervention devant la presse au sujet de ce film qui sort également samedi en France.