Le coup d'envoi du 71e Festival de Cannes sera donné aujourd'hui. Le plus prestigieux festival de cinéma du monde mise d'abord et avant tout sur sa tradition d'excellence, où le glamour s'harmonise avec des oeuvres de haute tenue.

Pourtant, tout a changé en un an. Il y a d'abord ce conflit avec Netflix et la réflexion qu'elle engendre sur la définition même de ce qu'est un film de cinéma. Il y a ensuite les relations avec les médias et la nouvelle politique de ne plus montrer de films à la presse avant les projections de gala. Et puis, surtout, en marge du mouvement #metoo et des profondes remises en question qu'il entraîne depuis l'affaire Weinstein, la Croisette semble vouloir remettre ses compteurs à zéro. Survol de quelques temps forts pressentis.

Une ouverture irano-espagnole!

Déjà lauréat de deux Oscars, le cinéaste iranien Asghar Farhadi lance aujourd'hui son plus récent film, Everybody Knows, entièrement conçu et tourné en Espagne, dans la langue du pays. Penélope Cruz et Javier Bardem, deux des plus beaux ambassadeurs de la péninsule ibérique, sont les têtes d'affiche de ce drame dans lequel une femme voit sa vie bousculée quand son passé la rattrape. Pendant trois ans, le réalisateur d'Une séparation et du Client s'est installé en Espagne pour prendre le pouls du pays et concevoir ce long métrage. «Ce film est plus espagnol que bien des films espagnols!», a déclaré Javier Bardem.

Une conversation avec Martin Scorsese

Lors de la soirée d'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, qui en sera à sa 50e édition cette année, Martin Scorsese recevra le Carrosse d'or, prix d'excellence remis par la Société des réalisateurs de films. Auparavant, une version restaurée de Mean Streets - présenté à la Quinzaine en 1974 - aura été projetée, suivie d'une conversation entre le lauréat et les cinéastes Jacques Audiard, Bertrand Bonello, Cédric Klapisch et Rebecca Zlotowski. Rappelons que deux ans après avoir été révélé à la Quinzaine, Martin Scorsese a obtenu la Palme d'or grâce à Taxi Driver.

Le retour de Christophe Honoré en compétition

Onze ans après Les chansons d'amour, Christophe Honoré aura l'honneur d'être le premier à défendre les couleurs françaises dans la compétition officielle. Plaire, aimer et courir vite, qui sera présenté jeudi, met en vedette Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps, dans une histoire d'amour conjuguée au masculin le temps d'un été. Les autres films français en lice pour la Palme d'or sont En guerre (Stéphane Brizé) et Les filles du soleil (Eva Husson).

Rendez-vous avec Christopher Nolan

La veille de la présentation spéciale de 2001: A Space Odyssey, organisée pour souligner le 50e anniversaire de la sortie du chef-d'oeuvre de Stanley Kubrick, Christopher Nolan, grand connaisseur du film, offrira samedi une leçon de cinéma. L'événement sera très couru, car en plus d'être l'une des pointures du cinéma mondial, le réalisateur de Dunkirk fréquente rarement les festivals de cinéma. La conviction avec laquelle il défend la pellicule et le cinéma sur grand écran alimentera sans doute la discussion. Ryan Coogler, John Travolta et Gary Oldman se prêteront aussi à l'exercice au cours des prochains jours.

Spike Lee et Lars Von Trier: deux chocs en une soirée!

Lundi prochain, la soirée commencera avec la présentation du nouveau film de Spike Lee, BlacKkKlansman. Le cinéaste, qui n'a pas renoué avec la compétition cannoise depuis Jungle Fever en 1991, s'est inspiré d'une histoire véridique survenue dans les années 70, alors qu'un policier noir a réussi à infiltrer le Ku Klux Klan. Puis, à 22 h 30, sept ans après avoir été déclaré persona non grata sur la Croisette à cause d'une blague de mauvais goût dans laquelle il s'était déclaré sympathisant nazi, Lars Von Trier montera les marches pour offrir The House That Jack Built, sélectionné hors compétition. On nous dit que le trublion danois sera bel et bien présent pour la projection officielle de son nouveau film, mais aucune rencontre avec la presse n'est prévue, du moins pour l'instant. «L'important, c'est de voir revenir Lars Von Trier à Cannes en tant qu'artiste», a déclaré hier le délégué général Thierry Frémaux.

Solo en primeur mondiale

Le fossé entre Cannes et Hollywood ne cesse de s'élargir, mais le studio Disney a néanmoins consenti à lancer Solo: A Star Wars Story en primeur mondiale sur la Croisette, 10 jours avant la sortie nord-américaine, prévue le 25 mai. Les 4871 journalistes accrédités ont toutefois été surpris de constater l'absence d'une conférence de presse dans le programme.

Mai 68, 50 ans plus tard

Réalisateur de Mourir à trente ans, qui lui a valu la Caméra d'or en 1982 (prix remis au meilleur premier long métrage, toutes sections confondues), Romain Goupil est allé prendre le pouls des Français en compagnie de Daniel Cohn-Bendit, leader étudiant à l'époque de Mai 68, aujourd'hui homme politique franco-allemand. Ce documentaire, intitulé La traversée, aura droit à une séance spéciale, histoire de comprendre ce qui reste d'un événement qui avait aussi forcé le festival à interrompre ses activités à l'époque.

Une clôture encore en suspens...

Verra-t-on enfin The Man Who Killed Don Quixote, ce fameux film dont rêve Terry Gilliam depuis une vingtaine d'années? Rien n'est encore certain, étant donné que le tribunal français ne s'est pas encore prononcé. «La décision sera annoncée mercredi à 14 h 30», a déclaré Thierry Frémaux lors d'une conférence de presse tenue hier. Rappelons qu'en plus de tous les déboires rencontrés en cours de tournage, le film fait aujourd'hui l'objet d'une dispute judiciaire entre le cinéaste américain et le producteur Paolo Branco. Le premier accuse le second de ne pas avoir tenu ses engagements; le second accuse le premier de rupture de contrat. Nous saurons demain si le film pourra être présenté au festival le 19 mai, et s'il aura droit ensuite à une carrière dans les salles françaises.

En chiffres

1: À ce jour, une seule réalisatrice détient une Palme d'or: Jane Campion (The Piano en 1993). Cette année, la Française Eva Husson (Les filles du soleil), la Libanaise Nadine Labaki (Capharnaüm) et l'Italienne Alice Rohrwacher (Lazzaro felice) pourraient décrocher le laurier suprême.

38 000: Professionnels accrédités, parmi lesquels plus de 4500 journalistes.

200 m2: Taille de l'écran du Grand Théâtre Lumière.

1 h 24 min: Durée du film le plus court en lice pour la Palme d'or (Zimna Wojna de Pawel Pawlikowski, réalisateur d'Ida, lauréat de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015).

3 h 08 min: Durée du film le plus long en lice pour la Palme d'or (Le poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan, lauréat de la Palme d'or en 2014 grâce à Winter Sleep).