Fatih Akin tenait entre les mains un sujet en or. Un attentat à la bombe, dans une ville d'Allemagne, qui fait deux victimes : un homme et son fils de 6 ans. L'homme a des origines kurdes, est un repris de justice, un ancien trafiquant de stupéfiants. La police soupçonne aussitôt un règlement de comptes : la mafia turque, kurde ou albanaise.

Sa femme (Diane Kruger) a l'intuition que c'est plutôt des néonazis qui sont responsables. « Tout le quartier est turc », dit-elle à la police, qui n'a pas du tout envisagé cette possibilité. « Y a-t-il eu des actes racistes ? Une tête de porc laissée devant une mosquée ? », demande l'enquêteur qui, sans être perspicace, sait reconnaître un acte d'extrême droite manifeste, contrairement à un certain animateur de radio de Québec...

On pense à Québec, justement, et à l'horrible attentat de sa mosquée en janvier dès le premier quart d'heure d'Aus dem Nichts (Into the Fade). Pendant le premier acte de ce film qui en compte trois, le cinéaste de Head-On réussit à maintenir une tension, une émotion et un suspense pas trop appuyé qui m'ont fait croire qu'il avait réalisé son meilleur film depuis l'excellent De l'autre côté, il y a dix ans.

C'était malheureusement sans compter sur le deuxième acte, meublé par un long procès ridicule et caricatural aux allures de téléfilm, et le troisième acte, où le cinéaste allemand sombre dans la formule facile du film de vengeance conventionnel.

À trop vouloir plaire et rejoindre un public plus vaste avec une formule éculée, Fatih Akin sacrifie toute subtilité à ce récit qu'il a coécrit et gâche malheureusement une magnifique occasion de revenir au premier plan du cinéma mondial. Déception.

Photo Alberto PIZZOLI, Agence France-Presse

Le réalisateur allemand Fatih Akin

Photo fournie par le Festival de Cannes

Diane Kruger et Numan Acar, dans Aus dem Nichts (Into the Fade)