Punks jusqu'au bout des doigts, Jim Jarmusch et Iggy Pop ont fait déferler un vent de rock sur Cannes jeudi, avec Gimme Danger, documentaire en forme de « lettre d'amour » du réalisateur américain à son ami.

Les deux sexagénaires, visiblement très complices, ont mis le feu à la grande salle du Palais des Festivals, où a été montré, lors d'une projection spéciale après minuit, Gimme Danger.

À la fin du film, Iggy Pop, 69 ans, et le cinéaste à la crinière blanche ont reçu une très longue ovation debout, de plus de 10 minutes, « l'iguane » offrant un spectacle sans paroles, se déhanchant, boxant dans le vide, visiblement ému.

Les deux complices avaient auparavant foulé le tapis rouge et gravi les marches, Iggy Pop vêtu d'un costume bleu sombre à même la peau et Jarmusch imperturbable sous ses éternelles lunettes noires. Dans la journée, ils avaient multiplié doigts d'honneurs et sourires pour le bonheur des photographes.

Le film de Jim Jarmusch lui-même est taillé pour ravir les fans du rocker. Tourné comme une « lettre d'amour » aux Stooges dont l'énergie explosive annonçait dès le tournant des années 1970 l'arrivée du punk, c'est un documentaire d'une facture assez classique.

Les interviews de celui qui est l'une des dernières légendes vivantes du rock et de ses proches alternent avec des images d'archives, certaines inédites, de l'enfance de James Osterberg jusqu'au succès mondial, puis la reformation dans les années 2000.

« Pour moi, il s'agit simplement du plus grand groupe de rock de l'histoire », a déclaré Jim Jarmusch en conférence de presse. « Le film est une sorte de collage, notre intention était de nous rapprocher de la musique des Stooges ».

L'histoire est narrée par la voix caverneuse et jamais blasée du chanteur de « I wanna be your dog » et « No fun », s'amusant par exemple à l'évocation des émissions de télé qu'il regardait ou de la caravane où il vivait avec ses parents (« j'ai eu l'opportunité de les connaître, c'est un vrai plaisir »).

« Post pop Depression »

Le réalisateur, qui a déjà fait tourner Iggy Pop dans Coffee and Cigarettes et Dead Man, le met en scène assis dans une buanderie, ou bien sur un fauteuil, pieds nus - le moins que pouvait faire celui qui a rarement terminé un concert autrement que torse nu.

Ce sont d'ailleurs les images des concerts déjantés et sans limite d'Iggy Pop et des Stooges qui donnent l'essentiel de son énergie au documentaire, qui s'attarde parfois longuement sur les détails de son évolution historique ou de ses relations avec ses producteurs.

« J'ai vu le film pour la première fois hier (mercredi) soir, et ça m'a beaucoup marqué. Je me suis dit "Oh mon dieu je suis un produit de cette époque" ! », a commenté Iggy Pop, qui est par ailleurs en pleine tournée pour son dernier album Post Pop Depression.

Pendant la conférence, il a dû faire répéter plusieurs questions et a plaisanté sur sa surdité tout en assurant préférer désormais un petit verre de vin à la drogue. « Quand je ne travaille pas je me couche tôt... », a même prétendu le rocker. Avant de sourire : « Mais non, ça, ce n'est pas vrai !».

Fan de rock, Jarmusch, 63 ans, avait déjà réalisé un documentaire sur une tournée de Neil Young, Year of the Horse (1997).

Gimme Danger (1 h 48), présenté hors compétition, est le second film de Jarmusch projeté à Cannes cette année. Le premier, Paterson, essai poétique qui relate la semaine ordinaire d'un chauffeur de bus (Adam Driver), une ode à la banalité du quotidien, concourt pour la Palme d'Or.