Trois films sud-coréens sont à l'affiche du prochain Festival de Cannes, témoignant de la force de frappe croissante de réalisateurs dont l'oeuvre transcende la culture et la langue.

En tête du trio, le réalisateur Park Chan-Wook dont le film Handmaiden fait partie des 21 longs métrages qui se disputeront la prestigieuse Palme d'or.

C'est la troisième fois qu'un de ses films participe à la principale compétition du festival.

Son film le plus connu, Old Boy, une sombre histoire de vengeance, avait remporté le Grand prix à Cannes en 2004. Thirst, ceci est mon sang, une romance cruelle mettant en scène des vampires, avait recueilli le prix du jury en 2009.

Lors d'une projection de presse de son nouveau film, tiré du roman Fingersmith de l'écrivaine galloise Sarah Waters, Park Chan-Wook s'est dit surpris d'avoir été sélectionné.

Son film raconte l'histoire d'une riche héritière, d'un escroc et d'une jeune servante dans la Corée et le Japon des années 1930.

«Je ne suis pas sûr qu'il soit adapté à Cannes. C'est un film simple, avec un dénouement heureux, sans ambiguïté. Ce genre de festival aime en général les films qui suscitent le malaise».

«The Wailing», policier surnaturel réalisé par Na Hong-Jin figurera dans la sélection «Un certain regard» tandis que «Train to Busan», un thriller avec des zombies, est présenté hors compétition.

Pour l'heure, les titres de la K-pop (pop coréenne) ou les séries télévisées de la K-drama, qui ont conquis le reste de l'Asie et au-delà ces 15 dernières années, sont les exportations culturelles les plus performantes de la Corée du Sud.

Le cinéma sud-coréen a eu plus de mal à percer auprès du grand public à l'étranger. Mais il a séduit un public de niche passionné, en particulier par ses films d'horreur ou policiers hautement stylisés et souvent hyper-violents.

Le cinéma contemporain sud-coréen est arrivé à maturité grâce à sa propre «Nouvelle Vague», des réalisateurs impliqués dans les tumultueux mouvements prodémocratie qui luttaient contre le règne des militaires, dans les années 1980 et 1990.

«Sentiment de culpabilité»

Leurs récits néoréalistes s'inspiraient de culture sociale, de prises de conscience politiques, avec l'idée d'un lumpenprolétariat victime de répression et d'exploitation.

Les films de Park Chan-Wook, né en 1963, sont postérieurs à cette «Nouvelle Vague» mais il fut fortement influencé par les bouleversements vécus dans sa jeunesse.

«Bon nombre de mes amis ont été emmenés par les autorités et beaucoup ont été torturés», expliquait-il récemment dans un entretien avec Variety Magazine.

«Je les ai vus combattre activement la dictature, et ils en ont subi les conséquences. Je n'ai pas joué de rôle actif et je me sentais coupable».

«Ce sentiment de culpabilité, je l'ai mis dans mes films».

Park, et certains de ses collègues comme Kim Jee-Won et Bong Joon-Jo, ont mêlé leur amour de la série B hollywoodienne à l'esthétisme de la «Nouvelle vague» et tournent des récits greffant cinéma d'art et d'essai aux blockbusters.

«Hollywood a certainement remarqué les prouesses du cinéma sud-coréen, cela intéresse de voir ce que les réalisateurs sud-coréens peuvent faire aux Etats-Unis», dit à l'AFP le critique de cinéma Darcy Paquet.

Malgré l'obstacle de la langue, Park comme Kim ont été embauchés pour diriger des films en anglais sortis en 2013.

Ainsi, Park Chan-wook a réalisé Stoker, un thriller implacable avec Nicole Kidman, tandis que Kim avait dirigé le film à suspense The last stand, avec Arnold Schwarzenegger.

Bong Joon-Ho avait lui réalisé Snowpiercer, film de science-fiction à gros budget, tourné en anglais, mettant en scène Tilda Swinton et John Hurt.

«Ils ont fait leurs preuves», dit le critique Jeon Chan-Il. «Aux yeux de Hollywood, leurs oeuvres passées témoignent d'un style et d'une créativité uniques».

Na et Yeon appartiennent à une génération plus jeune qui cherche encore ses marques.

«Pour cette génération, c'est plus difficile, principalement à cause de la façon dont l'industrie est structurée, beaucoup de critiques sont inquiets», dit Jeon Chan-Il.