Duo presque inséparable, les frères Joel et Ethan Coen, qui présideront le jury du prochain Festival de Cannes tissent à quatre mains depuis plus de 30 ans l'une des filmographies les plus originales du cinéma américain.

Les deux frères connaissent bien Cannes: ils ont remporté la Palme d'or en 1991 pour Barton Fink, les prix de la mise en scène pour Fargo (1996) et The Man who wasn't there (2001), et enfin le grand prix en 2013, pour Inside Llewyn Davis.

A la fois réalisateurs, producteurs, scénaristes et même monteurs sous le pseudonyme de Roderick Jaynes, les Coen, Joel (60 ans) et Ethan (57 ans), ont bouclé depuis 1984 et Sang pour sang, déjà un thriller, une vingtaine de films singuliers marqués par un sens de l'humour décalé et des thèmes macabres.

Ces chéris de la critique et des festivals (vainqueurs de 138 prix dans le monde, selon le site IMDb) sont désormais populaires dans les salles, et leur complicité a rarement été prise en défaut.

Leur carrière a été consacrée à Hollywood aussi, avec quatre Oscars: trois en 2008 pour le sanglant No country for old men (Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme, meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure adaptation), et auparavant en 1997 pour Fargo (scénario original).

Des enfants du Midwest américain 

Nés dans le Minnesota (nord) dans une famille de professeurs d'université, les Coen ont manifesté un intérêt pour le cinéma dès leur plus jeune âge, reproduisant à la caméra Super 8 des films qu'ils avaient vus à la télévision.

Si Joel Coen est diplômé de l'école de cinéma de l'université de New York, Ethan a étudié la philosophie à la prestigieuse université de Princeton, aux États-Unis.

Actrice de Sang pour sang, Fargo et quatre autres films signés Coen, Frances McDormand est l'épouse de l'aîné, Joel.

Après Sang pour sang, ils tournent en 1987 Arizona junior, comédie avec Nicolas Cage sur un couple qui vole un bébé pour l'élever. Puis ils rendent hommage aux films de gangsters avec Miller's Crossing en 1990.

Les comédies Barton Fink et Fargo établissent définitivement la réputation des Coen, qui ont entre-temps tourné «Le Grand saut», dans la lignée de Frank Capra, avec Tim Robbins et Paul Newman.

Les frères poursuivent dans une veine délirante avec le mythique The Big Lebowski en 1998 et O'Brother en 2000, lointaine adaptation de L'Odyssée située au Mississippi dans les années 1930 et avec George Clooney, acteur qu'ils retrouvent dans la comédie hollywoodienne à l'ancienne Intolérable cruauté en 2003, et dans Burn after reading en 2008.

En 2004, ils s'attaquent à un remake, celui de Tueurs de dames (1955): The Ladykillers, avec Tom Hanks.

Suivent notamment A serious man, inspiré de leur enfance à la fin des années 1960 au sein d'une petite ville du Middle West, et Inside Llewyn Davis, un film nostalgique et bourré d'humour sur le Greenwich village des années 1960 marqué par la naissance de la musique folk.

Deux présidents, combien de voix?

Une ou deux voix pour les frères Coen? Première dans l'histoire du festival de Cannes, la double présidence du jury décidée pour 2015, soulève une question inédite.

«C'est compliqué. On n'a pas fini d'y réfléchir», a déclaré à l'AFP le délégué général du Festival Thierry Frémaux.

Le jury est habituellement composé de neuf personnes, le président et huit autres membres.

Si la configuration habituelle est appliquée, «ça va être dix. Mais si c'est dix, ils sont un nombre pair. Or, on est en nombre impair pour qu'il n'y ait jamais de problème d'égalité de vote», a-t-il expliqué.

«Comment on fait? Est-ce qu'on donne un vote prépondérant au président? Oui mais à quel président du coup, puisqu'ils seront deux? On ne sait pas s'ils auront toujours le même avis, j'imagine que non. Donc on a encore beaucoup de travail avec eux pour mettre au point tout ça», a-t-il ajouté.

La composition du jury sera annoncée ultérieurement. L'an dernier, elle l'a été fin avril, alors que la sélection officielle des films en compétition pour la Palme d'or est traditionnellement annoncée mi-avril.

Les cinéastes Joel et Ethan Coen «ont envie de discuter avec nous de la composition du jury, de trouver de la cohérence et des oppositions, de la contradiction et des regards venus d'ailleurs (...) Le jury sera, je pense, exubérant, exigeant et représentera tous les amoureux du cinéma», a pour sa part estimé Pierre Lescure, le nouveau président du festival.

«Ils s'entendent comme larrons en foire. Ils feront ce qu'ils voudront. Soit ils voteront chacun séparément, soit il s'entendront tous les deux pour voter la même chose et ils n'auront qu'une voix pour tous les deux», a déclaré à l'AFP son prédécesseur, Gilles Jacob.

«Il n'y a jamais eu 8 jurés. Il y a eu des années à 10 mais on a diminué à neuf car on ne veut pas trop de films ex aequo dans le palmarès. Une demi-palme risquerait de chatouiller l'ego des metteurs en scène», ajoute-t-il.

En 1994, le Festival a connu une situation proche de celle de cette année avec un président du jury, Clint Eastwood, et une vice-présidente, Catherine Deneuve.

«On voulait qu'elle soit présidente, elle avait le trac à l'époque quand elle montait sur scène. On a demandé à Clint Eastwood. Ils s'entendaient très bien». Quentin Tarantino avait cette année-là obtenu la palme avec Pulp fiction.