À ce qu'on me dit, ça râle pas mal dans les chaumières. Après le formidable accueil qu'a obtenu Mommy sur la Croisette, plusieurs cinéphiles estiment que Les Films Séville, distributeur du film, devrait battre le fer pendant qu'il est chaud et trouver le moyen de mettre le film à l'affiche dès maintenant. Ce à quoi le distributeur répond: pas si vite papillon.

La sortie de Mommy est prévue à l'automne au Québec. Le distributeur fait valoir que la campagne de lancement n'est pas prête, qu'il n'y a encore aucune bande annonce dans les salles, aucune stratégie publicitaire établie. Lors d'une interview à l'émission de radio de Paul Arcand ce matin, le président de Séville, Patrick Roy, a aussi déclaré qu'il serait «irresponsable» de lancer dans la mêlée un film québécois complètement à l'improviste. Selon lui, lancer Mommy tout de suite nuirait aux autres productions québécoises dont les sorties sont déjà prévues: La petite reine (13 juin); Le vrai du faux (9 juillet) et 1987 (8 août). Au mieux, on pourrait espérer la sortie de Mommy à la fin de l'été.

Je comprends tout à fait cette argumentation, mais il y a un élément dont on ne semble pas tenir compte dans cette équation: l'effet de saturation. D'ici la sortie, Mommy sera toujours très présent sur le plan médiatique. Au point où un effet de ressac est à craindre. En le sortant dès maintenant, on court-circuiterait peut-être cet effet. Encore faudrait-il pour cela trouver toutefois un nombre de salles adéquat. En pleine saison des superproductions américaines, vraiment, bonne chance.

Remarquez, ça râlait beaucoup aussi en France l'an dernier. Même si La vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2 avait gagné la Palme d'or, il n'était pas question d'en devancer la sortie. Les cinéphiles français, comme les québécois, ont dû attendre plusieurs mois avant de découvrir le film à leur tour.

Étant présentement à Paris, je suis à même de constater que plusieurs des films lancés à Cannes cette année sont déjà à l'affiche (Grace de Monaco, Deux jours, une nuit, Maps to the Stars, Adieu au langage notamment) mais on est aussi loin du compte. Aucun des trois films français inscrits dans la compétition ne prendra l'affiche avant plusieurs mois ici. Le premier à figurer dans le calendrier est Sils Maria (Assayas), le 20 août. La sortie de Saint Laurent (Bonello) est prévue le 1 octobre. Celle de The Search (Hazavanicius)? 26 novembre.

Chez nous, la situation est pire. La plupart de ces titres internationaux suivront le parcours obligé: lancement au TIFF en septembre, présentation ensuite au Festival du nouveau cinéma (pour certains d'entre eux) et, enfin, sortie en salle. C'est probablement le sort qui attend aussi Tu dors Nicole, l'autre long métrage québécois lancé à Cannes cette année. Le très beau - mais fragile - film de Stéphane Lafleur sortira seulement à l'automne chez nous.

Et comme il est d'usage, nous aurons probablement droit à une vente de feu l'an prochain. Ce fut le cas cette année. Et l'année dernière.