Après avoir décrit dans son premier film une douloureuse relation fils/mère à travers le prisme de l'adolescence, le jeune Montréalais Xavier Dolan offre à la figure maternelle un superbe absolution dans son cinquième long métrage, Mommy, un drame familial bouleversant qui a fait chavirer Cannes.

J'ai tué ma mère, qui avait décroché trois prix à la Quinzaine des réalisateurs en 2009, abordait déjà le thème du rapport fils/mère.

Mais avec Mommy, «ce n'est pas la même histoire», a assuré dans un entretien à l'AFP le cinéaste de 25 ans, benjamin de la compétition officielle cette année. «J'ai tué ma mère était mon film le plus personnel, c'est ma vie, mon histoire, Mommy non».

«J'ai tué ma mère, c'est une crise d'adolescence. Ici on parle de gens qui s'aiment profondément mais dont l'amour est mis à l'épreuve par la vie elle-même, par la maladie et par le système qui les ostracise».

Veuve depuis trois ans, Diane (Anne Dorval, J'ai tué ma mère, Les amours imaginaires) a des mèches, s'habille très moulant ou très court, parle comme un charretier et adore son fils Steve (Antoine Olivier Pilon), un adolescent blond bipolaire, impulsif et violent.

Elle hérite de sa garde après son expulsion d'un centre correctionnel, où il a déclenché un incendie qui a grièvement blessé une autre pensionnaire.

La directrice fait miroiter à Diane un avenir sombre pour son fils, capable de passer sans crier gare du rire enfantin à la colère démoniaque: «C'est pas parce qu'on aime quelqu'un qu'on peut le sauver», prévient-elle. «Les sceptiques seront confondus», rétorque Diane, mère courage bien décidée à mener cette bataille pour un fils qui l'aime aussi passionnément.

«Le film dont je suis le plus fier»

Elle se voit venir en aide par une mystérieuse voisine bègue et introvertie, Kyla (Suzanne Clément, Mommy, Laurence Anyways), avec laquelle «Die» et son garçon finissent par former un heureux trio qui leur permet, un temps, de retrouver l'espoir...

On retrouve dans Mommy la «patte» de Xavier Dolan: un film émouvant et très coloré, au plus près de ses personnages, une mise en scène et une lumières très maîtrisées, des plans parfois tournés au ralenti, accompagnés d'une bande son très présente - Dido, Oasis, Céline Dion, Counting Crows - à la manière d'un clip vidéo.

Nouveauté: le tournage en format 1:1, qui place sur l'écran le film dans un carré parfait. Xavier Dolan avait déjà tenté cette expérience avec le clip du groupe français Indochine, College Boy - dans lequel jouait Antoine Olivier Pilon, Steve dans Mommy. Ce format façon Instagram «met le personnage au centre du regard du spectateur, les distractions horizontales sont coupées», fait valoir le réalisateur.

«C'est le film dont je suis le plus fier», confie à l'AFP le prodige québécois, qui concourt pour la première fois pour la Palme d'or et qui nourrit à ce titre «tous les espoirs».

En 2012, rappelle-t-il, «j'aurais voulu que Laurence Anyways (son troisième film, ndlr) soit en compétition officielle, mais après on était dans la sélection Un certain regard où le film a été bien accueilli, où Suzanne Clément a gagné un prix d'interprétation, donc c'était formidable».

Le réalisateur, également scénariste, monteur et acteur, confirme vouloir prendre une pause après ce film. «Je n'ai plus d'énergie. Je ne suis pas juste crevé de la nuit dernière, mais des cinq ans que je viens de passer à faire des films. Je retourne à l'université pour étudier l'histoire de l'art et suivre des études germaniques», explique-t-il. Malgré tout, il confesse avoir déjà écrit le scénario d'un nouveau film, en anglais cette fois, intitulé La vie et la mort de John Donovan.