Quand le générique de fin de Mommy est monté, au bout de 2h14 min de projection, des applaudissements nourris se sont fait entendre. Honnêtement, ces applaudissements festivaliers figurent parmi les plus généreux à avoir été entendus depuis le début de la compétition. Fait encore plus marquant, aucun sifflet, aucune huée n'est venu interrompre l'élan d'affection que les journalistes ont visiblement porté au cinquième long métrage de Xavier Dolan. Il est de ces signes qui ne trompent pas.

De surcroît, les réseaux sociaux se sont enflammés presque instantanément en faveur du film. D'office, Mommy est devenu l'un des favoris pour la Palme. Ou à tout le moins pour figurer quelque part au palmarès.

Le long métrage de Xavier Dolan a donc franchi avec succès la première - et plus difficile - étape de son parcours. La projection destinée à la presse, cruciale, est celle qui fait ou défait la réputation d'un film. Il n'y a pas de pardon. Xavier Dolan peut donc envisager «sa» journée officielle avec sérénité.

Une conférence de presse avec l'équipe est prévue aujourd'hui à 12h15. Puis, ce sera la montée des marches et la projection officielle au Théâtre Lumière, ce soir à 21h30. Entre ces deux événements, une série de rencontres et d'interviews figurent évidemment au programme de cette journée pas comme les autres.

Proposé dans un aspect ratio 1:1 (une image carrée) qui se transforme parfois au gré du récit, Mommy met en son centre trois personnages très forts, interprétés avec brio par Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon et Suzanne Clément. Cette dernière est étonnante dans le rôle d'une voisine bègue qui se liera d'amitié avec la veuve monoparentale qui hérite de la garde de son fils adolescent «difficile».

Impulsif et violent, cet ado qui souffre d'un TDAH (trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité) emménage en effet chez sa mère. La relation passionnelle entre ces deux poqués de la vie est faite d'épisodes parfois glorieux, mais provoque aussi de nombreuses confrontations très dramatiques. À l'instar d'Anne Dorval, candidate sérieuse au prix d'interprétation, le jeune Pilon offre une composition saisissante.

Dolan livre son propos grâce à son sens des dialogues et de la réplique assassine. La langue y est très crue, et l'expression est pour le moins colorée. En plus des sous-titres anglais, les festivaliers cannois ont eu droit à des sous-titres électroniques... en français.

Mommy est bien évidemment parsemé de scènes très fortes, que l'auteur cinéaste - qui ne s'est confié cette fois aucun rôle à l'écran - pousse jusqu'au bout de leur intensité dramatique. L'écran carré - pour lequel un moment d'adaptation est requis - permet aussi au cinéaste de mettre les comédiens en valeur.

Mommy est par ailleurs un film très stylisé, tant sur le plan des images (signées André Turpin) que sur celui de la réalisation. Dolan sait utiliser ses effets de façon inventive et pertinente. Un trait de mise en scène, dont on ne dévoilera pas ici la nature, a même suscité des applaudissements au beau milieu de la projection! Fidèle à son habitude, le cinéaste ne craint pas non plus les élans romanesques et les soupçons de lyrisme.

Ponctué de nombreuses chansons puisées à même le répertoire populaire (de Sarah McLachlan à Oasis en passant par Marjo et Céline Dion), le récit s'envole parfois dans des zones qui font contraste avec la dureté de la réalité avec laquelle les protagonistes doivent composer. On retiendra en outre une scène remarquable, dans laquelle Diane (la mère) rêvasse au destin qu'aurait pu avoir son fils si les étoiles s'étaient alignées autrement. Vraiment très beau.

Si le dernier acte - puissant sur le plan dramatique - s'étire un peu, il reste que Mommy est le plus maîtrisé des films «pur style» Dolan.

Distribué chez nous par les Films Séville, Mommy prendra l'affiche à l'automne, sauf changement imprévu. D'ici là, nous vivrons la journée «officielle» de Xavier Dolan à Cannes aujourd'hui. Et le dévoilement du palmarès samedi. Tous les espoirs sont permis.