Entre la fermeture du jour au lendemain d'une chaine publique supposée financer le film et l'extrême droite venue faire un tour sur le tournage, Xenia a été «difficile» à terminer, mais Panos Koutras est tout à sa joie d'être à Cannes.

Road movie mettant en scène deux jeunes frères albanais à la recherche de leur père grec pour obtenir sa nationalité, Xenia (hospitalité en grec) parle des remous universels de l'adolescence, de la fraternité, sur fond de questions d'intégration, d'immigration, d'homosexualité et de crise.

D'Athènes à Thessalonique, Dany, 16 ans, homosexuel efféminé (Kostas Nikouli), et Oddy, 18 ans (Nikos Gelia), plus mûr et désenchanté, vont vivre une nouvelle odyssée marquée par la haine, l'indifférence et apprendre à compter l'un sur l'autre.

«J'avais envie de parler de la jeunesse», raconte à l'AFP Panos Koutras. Si «être adolescent est toujours la même chose, aujourd'hui, c'est plus dur».

«Dans les années 70, j'étais punk avec son côté «no future» mais c'était une vision esthétique, poétique des choses alors que «no future» maintenant est une réalité très noire».

La crise transparaît dans le film sous la forme d'un hôtel de luxe à l'abandon dans lequel les deux frères trouvent refuge. Il appartenait à une chaîne, «Xenia», construite à la fin des années 50 et symbole d'une Grèce jadis prospère.

Elle surgit aussi brutalement quand la chaîne publique de télévision ERT a été fermée «du jour au lendemain» au milieu du tournage, gelant les financements du film.

Heureusement, les coproducteurs français et belges notamment, ont décidé de continuer. «On a toujours des dettes mais la nouvelle chaîne de télévision qui s'est créée va reprendre les engagements de la précédente», a-t-il dit.

Militant dans des associations, Panos Koutras «n'a pas voulu faire un film politique» mais plusieurs de ses choix le sont.

En choisissant de parler d'Albanais nés et élevés en Grèce, c'est «une parabole pour dénoncer le droit du sang en vigueur en Grèce contrairement au droit du sol en France» et dans d'autres pays.

«Un choix politique»

Dans le film, Ody raconte qu'il est maintenant expulsable, sauf si son père grec qui ne l'a pas reconnu, accepte de le faire. Selon le réalisateur, ils sont quelque 200 000 en Grèce à être dans cette situation.

Le cinéaste peint également un pays homophobe et xénophobe à laquelle est confronté surtout le frêle Dany, proie facile pour les hommes baraqués.

«C'est la réalité. Je voulais parler de cela parce que c'est ce qui est arrivé à Athènes», explique le réalisateur ouvertement gay en référence aux agissements du mouvement d'extrême droite Aube Dorée dans son pays.

Alors qu'on devait tourner une scène de rafle, des militants sont arrivés. «La productrice a parlé avec eux pour calmer le jeu, expliquer qu'ils s'agissait d'une coproduction française et belge».

«On a dû tourner la scène de manière muette pour ne pas les exciter. Ils sont restés à côté tout le temps, dans un coin pour nous surveiller», raconte le cinéaste «inquiet de la montée des extrémismes» en Europe.

En tout cas Panos Koutras est très fier de «sortir pour la première fois en Grèce un film avec des protagonistes albanais. C'est un choix politique».

Le cinéaste aime aussi parler d'un film sur l'amour fraternel, «que ce soit par les liens du sang ou par choix. C'est important d'avoir une âme soeur dans la vie».

Ody, qui rejette son frère au début, peut compter sur lui. Dany est aussi fragile qu'il est prêt à tout pour connaître son père et «que son frère soit reconnu» aussi comme chanteur en le poussant à participer à un télécrochet.

Les deux acteurs sont des non professionnels albanais nés en Grèce, trouvés au bout d'un long casting «par souci d'authenticité».

«Ils ont une telle joie de vivre que c'est une leçon de vie. Maintenant je sais pourquoi j'ai fait ce film, pour retrouver la force de continuer à faire l'autre bout du chemin», dit en souriant le réalisateur de 49 ans.