La réalisatrice japonaise et ex-jurée Naomi Kawase revient sur la Croisette avec Futatsume no mado (Deux fenêtres), ode à la nature et à l'amour filial à la fois contemplatif et tendre.

Ce récit initiatique prend vie dans la luxuriance de l'île d'Amami Oshima, au sud du Japon, terre d'origine de l'arrière-arrière-grand-mère de la réalisatrice.

Une nuit, le jeune Kaito (Nijiro Murakami) trouve, flottant dans la mer, le corps sans vie d'un inconnu au dos tatoué d'un dragon bleu. Accident ou meurtre? Personne ne sait. Le lycéen, indécis et renfermé, et sa lumineuse amie Koiko (Jun Yoshinaga) vont partir à la recherche de la vérité, en même temps qu'ils découvrent l'amour.

Ensemble, dans les paysages magnifiques et parfois terrifiants de l'île subtropicale, sujette aux typhons, les jeunes gens vont aussi faire l'expérience de la mort et de la séparation, avec le décès de la mère de Koiko. C'est aussi pour Kaito l'occasion de renouer des liens distendus avec ses parents, trop absents, comme le furent les parents biologiques de la réalisatrice, élevée par son grand-oncle et sa grand-tante, a précisé Naomi Kawase lors d'une conférence de presse mardi.

«Mon oeuvre majeure»

Le rapport à la nature et aux dieux qui l'habitent, selon la croyance des insulaires, est omniprésent, tout comme le lien avec la mort. «Sur l'île d'Amami, les habitants n'ont pas une attitude négative vis-à-vis de la mort» qui leur inspire plutôt «un sentiment de sécurité». «Quand on meurt, on retourne «dans son village d'origine». Comme il est dit dans le film, on retourne là d'où l'on vient», a souligné Naomi Kawase.

Selon la jeune actrice Jun Yoshinaga, qui tournait pour la première fois, la réalisatrice avait donné peu d'indications sur leur jeu à ses acteurs qui avaient surtout pour instruction de «ressentir et faire ressentir la beauté de ces paysages».

Rouleaux géants déferlant sur la côte, banian vieux de 500 ans malmené par des vents furieux, soleil au zénith et cieux immenses: les éléments font partie intégrante de la narration.

«C'est le film le plus abouti que j'ai fait jusque là, c'est mon oeuvre majeure», a redit la réalisatrice qui avait récemment indiqué à la presse viser la Palme d'Or.

«Je pense avoir mieux réussi que dans mes films auparavant à montrer les personnages en interaction avec cette nature qui peut être très violente, mais aussi extraordinairement belle», a-t-elle ajouté, trouvant «toujours émouvant que les gens continuent à vivre avec ce danger» qui les environne en permanence.

«Je n'ai jamais autant travaillé et retravaillé sur un montage» qui dura au total plus d'un mois, a précisé Naomi Kawase.

La réalisatrice fut Caméra d'Or en 1997 pour Moe no Suzaku (Suzaku) et reçut le Grand Prix en 2007 pour Mogari no mori (La forêt de Mogari).

Cette habituée des marches de la Croisette fut aussi l'an passé la première Japonaise membre du jury à Cannes, présidé par Steven Spielberg, et cette année, elle est, avec l'Italienne Alice Rohrwacher, l'une des deux seules femmes réalisatrices en compétition officielle.