Quand l'un des personnages de Maps to the Stars est violemment assassiné à grands coups de trophée Génie, quelqu'un dans la salle n'a pu s'empêcher de lancer: «David is back!» Vrai qu'après deux films plus flottants, A Dangerous Method et Cosmopolis, David Cronenberg retrouve la forme grâce à ce conte hollywoodien perfide et cynique, présenté hier en compétition officielle.

Le détail passera évidemment inaperçu aux yeux du public international - et probablement à ceux du public canadien aussi - mais le vénéré cinéaste a utilisé l'un des vrais trophées Génie de sa collection - celui attribué à Spider - pour le transformer en véritable arme meurtrière dans son film. Interprétez cela comme vous voulez.«D'ailleurs, le trophée a été brisé pendant le tournage de cette scène, a confié hier David Cronenberg au cours de la conférence de presse où étaient réunis les principaux artisans de Maps to the Stars. Il n'a pas été réparé depuis.»

Fruit d'une coproduction entre le Canada et l'Allemagne, le nouvel opus cronenbergien visite ici des territoires arpentés jadis par Robert Altman dans The Player. Mais en beaucoup plus trash. Et en plus malsain.

Le personnage pivot de ce film est une actrice, formidablement interprétée par Julianne Moore, qui tente désespérément de s'accrocher à son statut de star malgré les années qui passent. Gravitent autour de cette dernière une assistante recrue (Mia Wasikowska) à peine débarquée dans la ville du rêve; un émule de Justin Bieber (Evan Bird), arrogant et détestable dès que s'éteint la caméra; le père de ce dernier, coach et psychiatre (John Cusack); un chauffeur de limousine (Robert Pattinson); sans oublier ce fantôme qui vient hanter les esprits de quelques personnages.

La rumeur était tellement favorable dans la presse française que Maps to the Stars a un peu de mal à se tenir à niveau. N'empêche que les amateurs du cinéma de Cronenberg retrouveront ici un film d'une cruauté psychologique effroyable, lequel comporte aussi des touches d'humour très sombre. Un exemple? Havana (Julianne Moore) ne peut s'empêcher de manifester sa joie quand elle apprend qu'elle décrochera finalement un rôle très convoité à cause du désistement d'une autre actrice, en deuil de son jeune fils...

Au-delà du culte de la célébrité, auquel chaque individu semble vouloir aspirer, le récit révèle aussi l'état d'esprit d'une époque où les codes éthiques et moraux tombent un à un. On ne laisse désormais la place qu'à la loi du plus fort, du plus populaire, du plus trivial. Ponctuellement, des vers d'un poème de Paul Éluard se font entendre.

«Mon film n'est pas vraiment une charge contre Hollywood, précise David Cronenberg. Ça n'est qu'un cadre. Le récit aurait tout aussi bien pu être campé à Silicon Valley ou à Wall Street. Tous ces milieux sont menés par la peur et l'appât du gain.»

Le scénariste Bruce Wagner, surtout connu pour la télésérie Wild Palms et le roman Force majeure, estime que la prophétie d'Andy Warhol se transforme très vite de nos jours.

«Warhol disait que tout le monde serait célèbre pendant 15 minutes, mais à l'avenir, tout le monde sera célèbre tout le temps, je crois.»

«Les gens sont désespérés d'exister, ajoute David Cronenberg. Dans le film, ils ont tous cette obsession. Dans le cas d'Havana, elle est obsédée par la crainte de cesser d'exister.»

Interrogé à propos de l'humour très particulier que distille son nouveau long métrage, David Cronenberg a par ailleurs affirmé que tous ses films étaient drôles.

«Et celui-là ne fait pas exception, a-t-il ajouté. Les gens m'ont souvent suggéré de faire des comédies au fil des ans, mais à mon sens, je n'ai jamais rien fait d'autre. Celle-ci pourrait être une «divine» comédie. Tous mes films empruntent des tonalités différentes et celui-ci fait écho à la voix de Bruce Wagner. Je me suis mis au service de son scénario et de sa vision de Los Angeles.»

Sexe en voiture

Les personnages qu'interprètent Julianne Moore et Robert Pattinson ayant un rapport sexuel dans une limousine, le cinéaste a aussi été interrogé sur son penchant apparent pour les scènes du genre dans une voiture.

« À l'époque de Crash, on m'a dit que si les gens voyaient le film, ils auraient envie de baiser dans des bagnoles, rappelait Cronenberg. Or, toute une génération d'Américains avait déjà été conçue dans des Ford des années 50. Une partie de la révolution sexuelle est venue de l'automobile. C'était la liberté. Les jeunes échappaient alors à la supervision de leurs parents pour prendre la route. Cela n'est rien de nouveau, et pourquoi pas? Il y a tellement de belles voitures tout autour!»

Bien que Maps to the Stars prenne l'affiche demain en France, aucune date de sortie n'est encore fixée pour le territoire canadien. Le film est distribué chez nous par eOne/Films Séville.