À quand remonte le dernier bon film de Jim Jarmusch ? Plusieurs festivaliers se posaient la question avant la projection d'Only Lovers Left Alive, sélectionné in extremis dans la compétition.

Avec ce film de vampires cool et branché, porté par les compositions formidables de Tilda Swinton et Tom Hiddleston, le réalisateur de Broken Flowers retrouve brillamment sa cote. Un peu comme Catherine Deneuve et David Bowie il y a 30 ans dans The Hunger, Adam (Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton, exceptionnelle) forment un couple inséparable. Depuis des siècles.

Ils survivent en s'abreuvant de sang humain mais doivent quand même être certains que le sang qui les fait vivre est pur, sain, et non contaminé. Eve vit à Tanger; Adam, à Détroit. Autant la «perle du détroit» est filmée dans tous les mystères de sa beauté marocaine, autant la «Motor City» emprunte ici des allures apocalyptiques. Musicien underground, le ténébreux Adam évolue dans un univers musical qui n'est pas sans rappeler celui de Nick Cave.

Pour un peu, on pourrait même voir dans cet anti Twilight un hommage aux Ailes du désir de Wenders. Ayant traversé toutes les époques avec la grâce de ceux qui savent en tirer le savoir essentiel, ces deux créatures de la nuit se désespèrent aujourd'hui de l'économie néo libérale dans laquelle le monde est plongé, tout autant que de l'appauvrissement généralisé qu'elle entraîne sur le plan culturel.

Il émane de ce film planant, délicieusement gothique, un romantisme fou. Un peu comme si Jarmusch posait un regard bienveillant sur un monde en train de s'écrouler.