L'actrice belge Yolande Moreau a présenté vendredi à Cannes son deuxième film comme réalisatrice, Henri, l'histoire d'un homme «réveillé par une autre solitude», une oeuvre sur «la difficulté de vivre» et sur des gens «qui n'ont pas les codes» sociaux, a-t-elle dit à l'AFP.

«L'idée de départ est venue en écoutant en boucle le disque de Tom Waits Innocent When You Dream pendant les repérages de Quand la mer monte (son premier film coréalisé avec Gilles Porte, ndlr). J'ai eu envie de faire un film comme ça sur un homme un peu alcoolique, entre chien et loup tout le temps, un peu éteint et qui serait réveillé par une autre solitude que lui», raconte l'actrice dans un entretien à l'AFP, tignasse de cheveux blonds presque blancs et frisotants pour sa venue à Cannes.

Henri, présenté en clôture de la Quinzaine des réalisateurs, raconte l'histoire d'un homme d'origine italienne, la cinquantaine, qui tient un bar-restaurant avec sa femme dans la région de Charleroi (Belgique). Assez apathique, cet homme «qui a été brillant et s'est petit à petit éteint», selon la réalisatrice, voit sa vie égayée seulement par les bières avec ses amis et sa passion pour les pigeons voyageurs.

Henri, incarné par le comédien et metteur en scène de théâtre Pippo Delbono, se retrouve seul quand sa femme meurt brutalement. Il va alors se faire aider au restaurant par Rosette, une jeune femme légèrement handicapée mentale résidente d'un foyer voisin, qui va peu à peu transformer sa vie. Elle est interprétée par Candy Ming, artiste multicarte souffrant elle-même d'autisme, qui avait joué dans Louise-Michel et Mammuth de Gustave Kervern et Benoit Delépine.

Tragi-comique

«Ce n'est pas un film sur les handicapés mentaux. Rosette est légèrement handicapée et c'est son handicap qui me sert à dire qu'elle rêve de normalité, d'avoir un appartement, une sexualité, un enfant, d'être comme tout le monde. Ce qui m'intéressait, c'est cette rencontre, cette ressemblance» entre deux personnages «qui n'ont pas les clés pour fonctionner socialement», explique la réalisatrice.

«Je parle plutôt de leurs ressemblances que de leurs différences, de leur difficulté de vivre, et ça c'est universel. Et je parle aussi de la façon dont on se raccroche à l'amour de temps en temps», poursuit Yolande Moreau, qui décrit de manière poétique la relation qui se noue entre ses deux personnages.

La comédienne de 60 ans, récompensée deux fois par le César de la meilleure actrice pour Quand la mer monte en 2005 et Séraphine en 2009, fait elle-même une petite apparition dans le film, dans un rôle qui déclenche les rires. Mais son film, lui, est plutôt «tragi-comique», selon elle. «Ce n'est pas un film à se taper les cuisses. Mais j'espère qu'on rit quand même».

Après Henri, qu'elle avait «commencé il y a dix ans» et qui sortira début décembre en France et en Belgique, la comédienne dit avoir «envie assez vite d'avoir un autre projet de film».

«Je suis lente. je prends mon temps», mais «j'espère que je ne mettrai pas dix sans pour le suivant!» plaisante-t-elle.