Si le yacht du roi d'Hollywood Steven Spielberg ne craint rien dans la baie calme de Cannes, sur grand écran, la mer est impitoyable dans All Is Lost, avec Robert Redford, et For Those in Peril, premier film britannique, deux drames puissants autour de la survie.

Dans All Is Lost, pas un mot ou presque prononcé pendant 1h40. Un seul être humain à l'écran avec pour adversaire l'océan, autre personnage central, qui caresse ou violente Robert Redford au gré de ses humeurs.

L'histoire est celle d'un marin seul en mer luttant contre les éléments et contre lui-même, après qu'un conteneur dérivant en mer heurte son voilier.

Jour après jour, tout ce qui peut le rattacher à la vie va s'écrouler, «son monde se rétrécir» selon l'expression de J.C. Chandor, dont le premier film Margin Call, brûlot contre les milieux de la finance, avait été très remarqué.

Dans la salle, le public ressent tous les craquements du voilier, entend le fracas de l'orage. Il a même l'impression d'être sous l'eau avec Redford.

Construit comme un thriller en haute mer, All Is Lost, présenté hors compétition, est «un film presque existentiel qui laisse de la place à l'interprétation du spectateur», selon Robert Redford. Jusqu'à la fin.

L'acteur, qui a toujours réalisé seul ses cascades, «question d'ego», impressionne autant par ses aptitudes physiques que par son jeu. «On ne regarde pas souvent quelqu'un penser», résume à la perfection le producteur Neal Dosdon.

Le silence pourrait être en effet le troisième élément constitutif du film: il «permet d'habiter pleinement le rôle, de le vivre», a déclaré à la presse Robert Redford selon lequel «dans la vie, on parle souvent beaucoup trop».

La musique signée Alex Ebert (du groupe Edward Sharpe & the Magnetic Zeros) est à l'unisson. Absente au début, elle arrive en crescendo sans jamais verser dans le mélodrame.

Enfermement moral

Robert Redford, livré aux éléments dans le film, a profité de la tribune cannoise pour redire son engagement en faveur de l'environnement face à une situation «carrément catastrophique, désastreuse». «À mon avis, la planète essaie de nous parler», a-t-il dit, en évoquant «les ouragans, les tremblements de terre et les tornades», allusion directe à la tornade meurtrière de Moore, près d'Oklahoma City.

Dans For Those in Peril, du jeune Britannique Paul Wright, présenté à la 52e Semaine de la critique, un drame va en entraîner un autre en Écosse. Aaron est le seul survivant du naufrage d'un bateau de pêche. Aucun des cinq corps, dont celui de son frère, n'a été retrouvé.

Entre superstitions locales et respect des habitants pour les morts plutôt que pour les survivants, le jeune homme déboussolé part à la recherche de son grand frère qu'il s'attend à voir revenir. Il devra lutter aussi pour échapper à l'enfermement moral et social imposé par la communauté.

«J'ai grandi dans un village similaire en Écosse, juste à côté de l'océan qui faisait partie en quelque sorte de mon enfance», a raconté à l'AFP Paul Wright.

Le film vient aussi «des histoires racontées sur la mer, des vraies sur la dureté des choses mais aussi appartenant à la mythologie développée autour des mystères de l'océan», poursuit le réalisateur.

Paul Wright rappelle qu'il a perdu son père à l'âge de 14 ans et qu'il a «eu du mal à l'accepter». Le film «j'imagine traite aussi du rêve» d'une réunion «impossible».

Un autre film de marin doit sortir prochainement: «En solitaire» avec François Cluzet dans lequel le héros d'Intouchables, participe au Vendée Globe, mythique course autour du monde à la voile.