«Faire un film avec Serge Bozon, c'est un peu comme rouler avec un GPS qui dit tournez à droite, tournez à gauche, mais en fait on ne sait pas où on est», décrit l'humoriste et acteur belge François Damiens, l'un des acteurs du film français Tip Top qui pourrait en désorienter plus d'un.

Dans ce film dévoilé lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, deux inspectrices de la police des polices («Sally»/Sandrine Kiberlain et «Esther»/Isabelle Huppert) débarquent dans un commissariat de province pour enquêter sur la mort d'un indic d'origine algérienne dont le contact policier est campé par François Damiens.

Le film prend au départ les apparences d'un polar, mais part vite dans de multiples directions peuplées de personnages loufoques.

Le réalisateur Serge Bozon confirme qu'il cherche à bousculer ses spectateurs: «C'est un film un peu abrupt où il y a une espèce de surprise permanente, où l'on ne sait pas où on met les pieds, c'est drôle et un peu triste».

Il admet avoir pris «un risque» avec ce scénario peu linéraire: «Jusqu'à quel point les spectateurs vont-ils être prêts à se laisser aller»?

«Quand j'ai lu le scénario pour la première fois, je me suis arrêté  à la moitié», se souvient François Damiens, dans son inimitable style pince-sans-rire. «Je suis venu à Paris, il m'a expliqué le film et j'ai toujours rien compris. Il m'a dit "c'est normal"».

Univers «barré»

«J'ai appris mon rôle par coeur et c'était pas facile à apprendre quelque chose qu'on ne comprend pas», renchérit-il en précisant qu'il adore «la folie» de Serge Bozon. «Moins je comprenais ce que je faisais, plus je m'amusais».

Sandrine Kiberlain avoue  elle aussi que l'univers du réalisateur est «barré»!

«Le film sera très controversé, il va y avoir des aficionados, des fous qui vont comprendre la mise en scène, ou même sans comprendre vont se laisser porter par la jubilation. Il y a des gens qui seront hermétiques sûrement», prévient-elle.

«C'est un polar loufoque avec des personnages très complexes et énigmatiques», mais c'est aussi «une vraie rencontre entre deux femmes», explique Sandrine Kiberlain.  Elle a adoré jouer «un personnage qui n'est pas tout le même à l'arrivée et au départ».

Le film dévoile son étrange relation de mimétisme avec sa supérieure hiérarchique.

Sally (Kiberlain) est effacée, porte un gros pull et une barrette de petite fille dans les cheveux. La policière, fine observatrice, aime aussi mater les autres, un travers sexuel qui lui a valu d'être «placardisée» à la police des polices.

La très autoritaire Esther (Huppert) aime taper du poing dans le commissariat, sur son mari aussi (Samy Naceri qui fait son retour au cinéma avec un petit rôle) lors de leurs ébats, et a un goût surprenant pour le sang. Comme un caméléon, Sally va imiter peu à peu sa patronne, de ses tenues à son comportement.

«Le film commence par  les mettre en rapport et ensuite le film suit le rythme de la transformation de Sally en Esther», résume Serge Bozon, qui tisse aussi constamment dans cette toile compliqué le rapport des Français avec l'immigration algérienne. «Sans aucun message», précise-t-il.

«Je ne veux pas faire des films décalés», se défend Serge Bozon, qui veut montrer «des personnages excessifs, violents, mais aussi des êtres assez démunis». «Je cherche à faire rire, à émouvoir».