Tourné presque entièrement au Québec et mettant en valeur une distribution composée de plusieurs acteurs d'ici, Le fils de Jean est une libre adaptation du roman de Jean-Paul Dubois, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi. Pierre Deladonchamps (L'inconnu du lac) y incarne un trentenaire français venu en nos terres pour aller à la rencontre d'un père qu'il ne connaissait pas encore et de la famille qui l'entoure. L'acteur français est notamment entouré de Gabriel Arcand, Marie-Thérèse Fortin, Catherine de Léan, Patrick Hivon et Pierre-Yves Cardinal. Philippe Lioret (Welcome, Toutes nos envies) avait depuis très longtemps le projet de porter cette histoire à l'écran. Il est de passage au festival Cinemania ces jours-ci.

On sent dans votre film un véritable souci d'authenticité, ainsi qu'une volonté d'éviter tout aspect folklorique à propos de notre coin de pays. Est-ce que les nombreuses visites que vous avez faites au Québec pendant votre jeunesse y sont pour quelque chose?

J'avais en effet une grand-tante qui s'était installée au Québec dans les années 30 et qui a dirigé une galerie d'art ici. Je l'adorais et je suis souvent venu la visiter au cours des années 70. Il est vrai que dans ce film, nous aurions facilement pu sombrer dans les clichés parce que le cadre dans lequel se déroule l'histoire aurait pu s'y prêter. Je voulais toutefois éviter cela à tout prix, car je déteste la caricature. Le fait d'avoir déjà connu le Québec auparavant m'a évidemment beaucoup aidé. Mais à l'époque où j'y allais souvent, c'était un autre monde, dont le mode de vie était très influencé par les Américains. Depuis, il s'est trouvé une personnalité!

Gabriel Arcand dit avoir particulièrement apprécié l'espace créatif que vous avez laissé aux acteurs.

Il le fallait. Quand j'ai écrit le scénario, je ne pouvais quand même pas vraiment utiliser la langue québécoise. Je ne sais pas le faire. Quand je suis arrivé ici, j'ai réuni tous les acteurs autour d'une table afin qu'on puisse revisiter le texte et les dialogues. Le problème majeur, c'est que par souci de compréhension, on a tendance en France à sous-titrer entièrement les films québécois, même si c'est parfois ridicule. Les comédiens ont apporté l'authenticité de leur langue, de leur accent, tout en gardant à l'esprit le fait que ce film serait présenté à un public français, sans sous-titres. Je crois bien que le public québécois n'y verra aucun compromis en ce sens. En tout cas, on ne me l'a pas fait remarquer encore. Mais j'ai bien hâte aux premières projections à Montréal.

Dans les notes de production, on dit que si Gabriel Arcand n'avait pas accepté votre proposition, vous auriez carrément renoncé à faire le film. Est-ce vrai?

C'est peut-être un petit raccourci, mais il y a un moment où, c'est vrai, j'étais dans cet état d'esprit. Quand j'ai vu Gabriel dans le film de Sébastien Pilote, Le démantèlement, j'ai vécu quelque chose de très particulier. C'est comme si, d'un coup, je voyais vraiment l'incarnation d'un personnage qui n'existait que sur papier jusque-là. Gabriel n'aurait pas été acteur, je lui aurais quand même demandé de venir faire un essai si je l'avais croisé au coin d'une rue. Parce qu'il porte ce personnage en lui en tant qu'homme. Après, je me suis rendu compte qu'il était un acteur hallucinant. À partir de là, j'aurais mal vu le film sans lui. Mais son agent m'a dit qu'il refusait à peu près tout! Avant notre première rencontre, j'ai eu l'occasion de parler à Gabriel au téléphone, et au bout de 10 minutes, le déclic était déjà fait. Nous avons senti que nous avions beaucoup d'affinités et que nous pourrions bien travailler ensemble. S'il avait refusé le rôle, je l'aurais sans doute proposé à un autre acteur, mais il en aurait été malheureux et moi aussi. Parce que j'aurais essayé de faire entrer Gabriel Arcand dans la peau de quelqu'un d'autre.

Votre film ne compte aucune grande vedette connue auprès du public français. Est-ce qu'un projet est plus difficile à monter dans ces conditions?

À mes yeux, c'est toujours le personnage qui prime. Pour Toutes nos envies, j'ai rencontré à peu près toutes les plus grandes actrices de 35 ans, notamment Marion Cotillard, qui avait vraiment envie de le faire. C'est une actrice que j'adore, mais il y avait quelque chose en moi qui me disait qu'elle n'était pas faite pour le personnage. Que ce n'était pas elle, en fait. Quand j'ai annoncé aux partenaires financiers que j'avais attribué le rôle à Marie Gillain plutôt qu'à Marion, ils ont cru que j'étais tombé sur la tête! Mais un film, on a la chance de le faire une seule fois. Et je veux le faire avec le personnage avant tout. Au bout du compte, je crois que s'il est bon, il fera son chemin. La seule différence, c'est que les stars permettent un accès facile aux médias. Le film est ainsi mieux exposé. Cela devient alors un choix: faire un film comme on l'imagine, ou faire des concessions pour mieux l'exposer. C'est la raison pour laquelle je produis moi-même. J'ai cette liberté de choix.

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Le fils de Jean, aujourd'hui, à 20 h 30, et demain, à 14 h, au Cinéma Impérial. En salle le 23 décembre.

Photo fournie par Les Films Séville

Gabriel Arcand et Pierre Deladonchamps dans Le fils de Jean.