Le spectateur, s'il le désire, n'ira pas que voir le long métrage Valley of Love de Guillaume Nicloux. Car le film s'inscrit davantage dans ce qu'on pourrait appeler «une expérience de cinéma».

À travers ses deux personnages principaux, Isabelle (Isabelle Huppert) et Gérard (Gérard Depardieu), Nicloux (L'enlèvement de Michel Houellebecq) nous propose en effet une sorte de voyage en partie teinté d'irrationnel, d'inexpliqué, de métaphysique.

Isabelle et Gérard, donc. Ils sont divorcés depuis longtemps. Leur réunion survient six mois après le suicide de leur fils. Avant de commettre l'irréparable, ce dernier a envoyé à chacun une lettre lui enjoignant d'être aux portes de la Vallée de la mort à une date donnée et de visiter, avec l'autre parent, sept lieux touristiques de l'endroit.

Bientôt, des phénomènes étranges vont rattraper Isabelle et Gérard, signes qu'ils interpréteront comme une manifestation d'adieu de leur rejeton et qui favoriseront leur rapprochement.

«L'ambition du film est de proposer auxspectateurs un cheminement personnel qui ne délivre pas de solutions universelles, mais qui permet à chacun d'y projeter ses envies de croyances, sa définition de ce qu'est l'amour au-delà du deuil et de croire en ce qu'il a envie de croire sans imposer de résolution obligatoire», affirmait Guillaume Nicloux, au terme d'un entretien téléphonique accordé depuis Paris.

Présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, son film n'est pas sans rappeler, dans son essence, Ni le ciel ni la terre, oeuvre de Clément Cogitore (présentée à Cinemania) dans laquelle un groupe de soldats français vivant dans un avant-poste du désert en Afghanistan est aux prises avec une série de disparitions inexpliquées.

Le désert est-il un théâtre, voire un catalyseur idéal pour l'observation de phénomènes paranormaux?, demande-t-on à M. Nicloux.

«Je ne sais pas, répond ce dernier. Mais je crois que dans un tel endroit, on est plus réceptifs et sujets à éprouver des émotions très différentes lorsqu'on veut bien se débarrasser des oripeaux naturels nous entourant dans une vie urbaine. Le désert offre une possibilité unique, celle d'être confronté à soi-même. Si on veut bien abandonner dans des zones ou des parts d'ombre souvent inexplorées, on a accès à des résonances très nouvelles ou très ancrées en nous depuis longtemps.»

Lui-même en aura fait l'expérience. C'était justement dans la Vallée de la mort et, plus précisément, dans le Mosaic Canyon où il a été témoin d'une manifestation liée à sa propre vie qu'il n'est pas près d'oublier. De retour en France, le réalisateur s'est tout de suite mis à l'écriture, sachant que ce nouveau scénario serait différent des précédents.

«Lorsque je suis rentré en France, j'ai écrit ce film d'une façon très surprenante parce que cette histoire m'avait choisi d'elle-même. Les choses se sont passées d'une façon très naturelle et très limpide, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque j'écris un film», dit-il.

Depardieu et Huppert

L'autre aspect intéressant du film, c'est la réunion au grand écran, 35 ans après Loulou de Maurice Pialat, de Gérard Depardieu et Isabelle Huppert, deux géants du cinéma français.

Il faut dire que Nicloux venait de tourner un film (La religieuse) avec Isabelle Huppert et tous deux voulaient répéter l'expérience. Au départ, il avait écrit l'histoire en anglais pour un acteur américain. Mais le processus de mise en marché du film s'est enrayé pour mille et une raisons. Le cinéaste a réécrit l'histoire en français en pensant à Depardieu.

Bien sûr, on pense tout de suite au fait que ce dernier a perdu son fils Guillaume il y a quelques années. Approcher l'acteur commandait sans doute une grande dose de délicatesse. Or, indique Nicloux, les choses se sont passées simplement et naturellement.

«L'acceptation de Gérard a été extrêmement simple, dit-il. Je ne crois pas qu'il s'est posé énormément de questions. Il entretient un rapport très particulier avec la mort, les défunts. Je crois qu'il était très intéressé, en tout cas très intrigué, de voir comment on allait explorer ces zones en se servant d'un alibi fictionnel et de quelle façon nous allions pouvoir proposer une émotion tout en puisant, peut-être, dans des zones qui sont en effet plus douloureuses, plus vives.»

À Cannes, Depardieu a aussi indiqué ne pas avoir cherché l'inspiration dans sa propre douleur de père. «Je ne saurais pas faire ça, faisait-il remarquer dans un article signé par notre collègue Marc-André Lussier. En revanche, je peux très bien me mettre dans la peau de ces personnages et comprendre leurs deuils. Je n'ai pas besoin de faire appel à mes souvenirs personnels pour ça. Simplement le fait qu'Isabelle et Gérard s'étreignent - ce qu'ils n'ont pas fait depuis 30 ans - raconte déjà quelque chose d'important à propos de leur histoire.»

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Valley of Love prend l'affiche le 13 novembre.