Entre comédie, drame et questionnement existentiel entre deux êtres en voie de rapprochement, le film Les combattants est aussi une représentation métaphorique de la période anxiogène dans laquelle l'Europe est plongée. Le réalisateur Thomas Cailley nous dit pourquoi.

Il s'appelle Arnaud et est un peu mou lorsque vient le temps de s'affirmer. Elle s'appelle Madeleine, est cassante et survivaliste. Ensemble, ces deux jeunes adultes participent à un camp de recrues de l'armée française. Plongés dans des situations qui passeront du difficile au dantesque, ils seront pourtant mus par un amour naissant.

D'aucuns pourraient voir dans Les combattants, premier long métrage de Thomas Cailley, une comédie dramatique rafraîchissante. Ce qui est déjà pas mal. Mais sous ce vernis, il y a aussi un instantané de ce que peut être la réalité quotidienne des jeunes Européens.

«Le business de la survie, avec ses boot camps et ses stages en forêt, n'a jamais aussi bien marché. Mais ce qui m'importe, c'est de connaître la cause de cet état de fait», dit le cinéaste, de passage à Montréal.

Au premier rang des causes, il y a l'angoisse. «Une angoisse conjoncturelle, dit-il. En France, on peut sentir que cette génération de gens dans la vingtaine a été biberonnée à une idée de fin, de crise, d'un continent en train de finir et où il n'y a plus de rien. C'est la fin des climats, des forêts, de l'ours polaire, du plein emploi, etc. Nous sommes dans une période anxiogène et je trouvais que cette idée de fin du monde était une métaphore universelle pour l'illustrer. On ne peut plus se projeter dans un avenir sûr.»

Interprète de Madeleine, personnage principal du film, la comédienne Adèle Haenel fait des observations semblables. «La France et l'Europe traversent une crise économique, mais aussi une crise de système où l'on se demande comment on en est arrivé là, quel est le sens de la vie, etc. Cette espèce d'élan vers les forêts évoque un modèle de succès qui ne fonctionne plus, d'un rêve d'épanouissement qui ne marche plus, qui est enrayé.»

Dans le film, la logique de Madeleine est menée à son extrême. Elle n'attend pas grand-chose de demain si ce n'est la fin du monde. Jusqu'à ce que sa route croise celle d'Arnaud (Kévin Azaïs), jeune homme qui a visiblement d'autres idées derrière la tête. On imagine le choc des idées lorsque ce dernier tente ses premiers rapprochements.

Reste que cet Arnaud qui, au fond, a la tête dure, propose une autre définition de la vie terrestre à sa collègue. 

«L'histoire des Combattants est celle de cette fille qui attend la fin du monde et de ce garçon qui essaie de lui offrir le commencement d'un monde, croit Thomas Cailley.

Pour lui, il n'était pas question de raconter l'histoire sous l'angle de la comédie romantique dont les personnages lui sont superficiels. «J'ai abordé mon sujet avec des codes et des genres plus proche de moi, dit-il. Comme le buddy movie, le film d'aventure, la science-fiction.»

Madeleine, la comète

On a compris que le film bouscule les stéréotypes habituels. Madeleine, malgré toute sa grâce, c'est l'anti-Cendrillon. Elle est comme une comète sur laquelle n'importe quel engin spatial peinerait à planter ses harpons.

Il fallait trouver la bonne comédienne pour incarner un tel personnage. Thomas Cailley multiplie les éloges lorsqu'il parle d'Adèle Haenel, vue auparavant dans les films Suzanne (César de la meilleure actrice pour un second rôle), Trois mondes et L'apollonide et que Paris Match a qualifiée l'été dernier de «nouvelle tornade du cinéma français».

«En voyant Adèle, j'ai vu Madeleine, dit Cailley. Ç'a été une évidence. Ça faisait deux ans que j'écrivais le personnage et j'avais l'impression de rencontrer quelqu'un que je connaissais déjà. Plus que ça, je dirais heureusement qu'elle existe! Adèle possède quelque chose qui est très rare: être à la fois très rationnelle et très irrationnelle à de très hauts niveaux. Il y a quelque chose d'hyper obstiné, déterminé, intelligent et vif chez elle, mais ailleurs, elle est insaisissable et mystérieuse. Avec elle, on a envie de croire au personnage de Madeleine.

Quant à la principale concernée, elle dit ne pas choisir des rôles, mais des films. «L'idée n'est pas d'apparaître souvent à l'écran, mais de défendre des projets et croire à ce qu'on fait, dit-elle. Je ne prends pas des films comme des vitrines. Je les aborde en me disant: ça me brûle quelque part d'y aller. Jusqu'à présent, ça m'a donné raison.»

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Les combattants prend l'affiche aujourd'hui.