Un front froid venu de la Russie qui fait claquer des dents, la grève de 1000 agents au sol qui paralyse les deux principaux aéroports de Berlin, autant de facteurs incontrôlables qui risquent de perturber la 67Berlinale, qui débute aujourd'hui. Mais malgré le froid sibérien sous un ciel bas et gris, le festival demeure placé sous le signe du courage, de la résistance et d'un certain espoir.

C'est du moins ce qu'a déclaré son directeur Dieter Kosslick en révélant les titres des 24 films de la compétition officielle il y a quelques semaines. Parmi ceux-là, il y a d'abord Django Mélodies, le film d'ouverture avec Reda Kateb et Cécile de France, un film sur un épisode douloureux de la vie du guitariste de jazz Django Reinhardt, un Rom né en Belgique et considéré comme un des plus grands guitaristes de tous les temps.

Le film réalisé par Étienne Comar (le producteur du film Des hommes et des dieux) est campé dans la France sous l'occupation nazie, où les Roms étaient envoyés dans des camps et éventuellement exterminés, comme les Juifs. Déjà connu en France à cette époque, Django est obligé de mettre sa carrière en veilleuse et d'entrer dans la clandestinité pour sauver sa peau. Sa résistance à l'occupation nazie est au coeur du film.

Toujours dans la catégorie courage, citée par le directeur de la Berlinale, il y a le nouveau film du Finlandais Aki Kaurismäki, The Other Side of Hope, qui porte sur deux réfugiés syriens à Helsinki, et qui s'inscrit dans une trilogie lancée en 2011 avec Le Havre.

Un autre favori du directeur, c'est The Young Karl Marx du cinéaste haïtien Raoul Peck, dont le film I Am Not Your Negro pourrait bien gagner l'Oscar du meilleur long métrage documentaire dans deux semaines. Avec ce nouveau film présenté hors concours, Raoul Peck examine la relation entre Karl Marx à l'âge de 26 ans, en exil à Paris, et Engels, l'héritier d'un riche industriel. Ensemble, ces deux fils de bonne famille qui ne connaissent pas la pauvreté vont pourtant jeter les bases révolutionnaires du mouvement ouvrier et changer le cours du monde à jamais.

Parmi les autres films très attendus de la compétition, il y a le retour du cinéaste roumain Calin Peter Netzer, lauréat de l'Ours d'or 2013 avec Child's Pose, film coup-de-poing sur les ravages de la maternité moderne. Le Roumain revient à Berlin avec Ana, mon amour, sur les hauts et les bas d'un jeune couple moderne et dysfonctionnel.

Le couple est aussi au coeur du nouveau film de l'Allemand Volker Schlöndorff (Le Tambour) avec Retour à Montauk, l'histoire de deux anciens amants qui se retrouvent à Montauk, dans le Long Island, avec Nina Hoss et Stellan Skarsgard, l'acteur fétiche suédois de Lars von Trier. Autre retour attendu, celui de la cinéaste polonaise Agnieszka Holland, qui présente Spoor, un film campé dans la ruralité polonaise, à mi-chemin entre le polar, le thriller écologique et la fable féministe.

Nouvelles drogues, autre époque

Du côté des films hors compétition qui vont faire courir les foules et les paparazzis, il y a sans contredit T2: Trainspotting 2, suite du film culte de Danny Boyle lancé en 1996 sur une bande de junkies d'Édimbourg.

Vingt ans plus tard, comme le disait si bien Ewan McGregor dans le premier film, l'époque a changé et les drogues aussi. On imagine que les sympathiques antihéros ne se sont pas vraiment casés même s'ils ont maintenant 40 ans. On imagine surtout qu'ils ont trouvé de nouvelles drogues et de nouvelles activités toujours aussi peu catholiques.

Les critiques sorties lors de la première du film en Angleterre sont plutôt positives et saluent la mise en scène de Danny Boyle comme le jeu des quatre acteurs. Le rythme du film serait moins frénétique et on nous promet que cette fois, si le spectateur est traumatisé, ce ne sera pas par un bébé mort ni par la toilette la plus dégoûtante de l'univers.

Toujours dans la catégorie hors concours, Sage Femme du Belge Martin Provost (Séraphine) réunit pour la première fois les deux Catherine: Catherine Deneuve, 72 ans, et Catherine Frot, 60 ans, dans un film sur la naissance, la renaissance et la transmission.

La reine Penelope et Indiana Jones

Enfin, dans la section «Spécial», les attentes sont très élevées, notamment pour deux films.

D'abord La reine d'Espagne, de Fernando Trueba, qui se déroule dans les années 50 avec la sublime Penelope Cruz dans le rôle d'une actrice célébrée de Hollywood qui revient dans l'Espagne de Franco jouer la reine Isabelle de Castille. Que le film soit bon ou non, l'espoir, c'est de voir la belle Penelope gratifier le tapis rouge pour la première du film lundi.

À ne pas manquer non plus, The Lost City of Z, le nouveau film de James Gray (The Immigrants, Two Lovers). Adapté d'une histoire vraie et du best-seller de David Grann, le film raconte l'histoire du vrai Indiana Jones, l'explorateur de l'Amazone Percival Fawcett, qui a entrepris plusieurs missions dans la jungle amazonienne avec succès, sauf la troisième fois, où il a disparu avec son fils. Leur disparition n'a jamais été élucidée.

Et le Québec

Le cinéma québécois se fait plus rare que par le passé avec seulement cinq films. D'abord, deux courts métrages, Le cri du lambi de Vincent Toi, et The Catch de Holly Brace Lavoie. Puis, le documentaire Le théâtre de la vie, sur la soupe populaire du chef Massimo Bottura à Milan, une coproduction entre l'ONF et les Films Phi.

Quant aux deux pièces de résistance - Ceux qui font les révolutions à moitié n'ont fait que se creuser un tombeau, de Mathieu Denis et Simon Lavoie, et Combat au bout de la nuit, le documentaire de Sylvain L'Espérance sur la crise en Grèce, ensemble ils occupent 468 minutes soit près de huit heures de temps-écran.

Les deux films se veulent des plongées en eaux profondes dans la révolte et l'engagement politique. Le Canada anglais sera plus présent cette fois, notamment dans la série des films sur l'Arctique avec en vedette Angry Inuk, un documentaire percutant qui déboulonne tous les clichés sur la chasse au phoque.

Voilà, la table est mise pour les 10 prochains jours avec l'espoir que le front froid de la Russie quitte la ville et que la grève des aéroports n'empêche pas les grands noms du cinéma de venir faire leur tour de piste.

Photo Fabrizio Bensch, Reuters

Au cours des 10 prochains jours, les grands noms du cinéma défileront à Berlin pour la 67e Berlinale.