Un ours qui descend à la station Potsdamer Platz. Un autre qui erre au milieu d'une rue berlinoise. Un troisième juché sur un toit pour admirer la vue. Autant d'images qui annoncent un peu partout sur les murs de Berlin que la 66e Berlinale débute ce soir. Au programme, dès 19 h 30, une soirée hollywoodienne avec la première européenne de Hail, Ceasar! des frères Coen, film à mi-chemin entre l'hommage et la satire, campé dans un âge d'or hollywoodien où rôde la menace communiste et quelques clones du candidat à la présidence américaine Bernie Sanders.

George Clooney y tient le rôle d'un acteur de série B jouant Jules César et dont le ridicule est accentué par la mini-tunique romaine qu'il porte, jambes nues, tout au long du film. Mais celles qui rêvent de voir ses jambes nues (et poilues) ce soir sur le tapis rouge risquent d'être déçues. George sera au rendez-vous, mais couvert de la tête aux pieds et probablement pas au bras de sa belle et brillante épouse, Amal Alamuddin Clooney, absente pour cause de catastrophe mondiale à régler.

George ne manquera pas d'amis sur le tapis rouge, puisqu'en plus des frères Ethan et Joel Coen, il est assuré de retrouver Josh Brolin, la délicieuse Tilda Swinton et Channing Tatum, sans oublier madame la présidente du jury, Meryl Streep, et ses amis jurés, dont Clive Owen et la célèbre photographe Brigitte Lacombe.

La chancelière Angela Merkel, souvent présente à l'ouverture de la Berlinale par le passé, manquera à l'appel. La crise des réfugiés, qui vient de reprendre de plus belle après de nouveaux bombardements dans la région d'Alep, de même que la collision de deux TGV lundi qui a fait au moins dix morts au sud de Munich la tiendront éloignée du strass et des stars de cinéma.

Appui aux réfugiés

Qu'à cela ne tienne, le maire de Berlin y sera, de même qu'une poignée de ministres et de dignitaires allemands, notamment Dieter Kosslick, celui qui dirige les destinées de la Berlinale depuis 2001.

À chaque nouvelle édition, le directeur aime bien placer son festival sous un thème porteur. Cette année, la crise des réfugiés, qui ne cesse de s'amplifier, a imposé son thème au festival: celui de l'accueil et de l'appui à ceux qui ont été forcés à l'exil ou à ceux qui ont connu la torture. Un appel tout particulier sera d'ailleurs lancé aux festivaliers pour qu'ils fassent un don au Centre berlinois pour les victimes de la torture.

«Il y a 66 ans, en 1951, l'Allemagne était un pays peuplé de réfugiés. Lorsque nous avons créé ce festival, notre message était clair: voici un pays qui cherche à faire la paix et l'unité avec les autres. Soixante-six ans plus tard, notre festival poursuit la tradition de cet engagement», a promis le directeur dans son mot de bienvenue.

Films à surveiller

Pourtant, dans la compétition officielle qui compte une vingtaine de films parmi les 400 titres du programme, un seul film aborde la question des réfugiés. Il s'agit de Fuocoammare de l'Italien Gianfranco Rosi, gagnant du Lion d'or de Venise en 2013 pour son documentaire Sacro GRA. Cette fois, le réalisateur raconte l'histoire de Samuel, un gamin de 12 ans, qui vit sur l'île de Lampedusa, où débarquent chaque jour des centaines de réfugiés d'Afrique du Nord cherchant une vie meilleure et la trouvant difficilement.

Parmi les autres titres à surveiller, il y a bien entendu Boris sans Béatrice de Denis Côté. Le film, qui met en vedette James Hyndman dans le rôle d'un homme prospère et arrogant en pleine crise existentielle, sera présenté dès le premier jour de la compétition.

Au même moment, la Berlinale rendra hommage à feu David Bowie en présentant le film culte de Nicolas Roeg The Man Who Fell to Earth, qui avait fait partie de la compétition de la Berlinale en 1976. 

À surveiller aussi: Alone in Berlin, le troisième long métrage du comédien Vincent Pérez (à ne pas confondre avec Olivier Martinez), un film qui exploite un sujet rare: la résistance allemande aux nazis. Suivront L'avenir, un film franco-allemand avec Isabelle Huppert dans le rôle d'une quinqua dont la vie bascule brutalement, et Mort à Sarajevo, du Bosniaque Danis Tanovic, qui a remporté deux Ours d'argent il y a trois ans pour son film La femme du ferrailleur. Son personnage principal, un authentique Rom ramasseur de tôle, avait reçu le prix d'interprétation masculine. Depuis, il essaie d'immigrer en Allemagne, mais n'y arrive pas. Un pays d'accueil? Pas toujours.

De nouveaux venus et des maîtres

Plusieurs des cinéastes de la compétition sont de relatifs inconnus. Certains en sont à leur premier film comme l'acteur Don Cheadle, qui présente Miles Ahead, un biopic peu classique sur Miles Davis. C'est Cheadle lui-même, arborant un pantalon en satin et une coupe afro, qui campe le grand trompettiste, pendant deux jours à la fin des années 70, alors que Miles s'était retiré de la scène et vivait de cocaïne et de paranoïa.

Parmi tous ces nouveaux venus, quelques maîtres viennent rétablir l'équilibre de la Berlinale, dont André Téchiné, qui à 73 ans signe Quand on a 17 ans, et Spike Lee, qui présente Chi-Raq (pour Chicago), un film librement inspiré de la Lysistrata d'Aristophane, où les femmes font la grève du sexe pour que leurs hommes déposent leurs armes.

Toujours au chapitre des maîtres, la grande Meryl Streep donnera le jour de la Saint-Valentin une classe de maître à d'aspirants acteurs. Les billets pour l'évènement se sont envolés en moins d'une heure. Ceux qui ne seront pas admis pourront se consoler deux heures plus tard avec une classe de maître donnée par nul autre que notre Denis Côté national.

Dix jours et 400 films plus tard, la Berlinale se terminera le 21 février, date où les ours égarés rentreront au bercail, trop heureux de redevenir des statuettes dans les mains de Meryl Streep.