Avec The Grand Budapest Hotel, présenté en ouverture de la 64e Berlinale, le réalisateur américain Wes Anderson livre une oeuvre burlesque, comme si Agatha Christie avait croisé Buster Keaton dans une Europe centrale bouleversée par l'Histoire.

En quelques films - La famille Tenenbaum, La vie aquatique, À bord du Darjeeling Limited, Fantastic Mr. Fox ou dernièrement Moonrise Kingdom - Wes Anderson, 44 ans, s'est taillé une réputation de cinéaste au style original, aux films empreints de fantaisie et d'espièglerie, et aux personnages singuliers.

Le réalisateur dit avoir eu en mémoire des oeuvres littéraires, et notamment celles de l'Autrichien Stefan Zweig, pour ce film qui s'étend de la Belle époque aux années 60 communistes, en passant par la montée du nazisme. Mais il s'agit «plus de reproduire une atmosphère que de s'inspirer d'un roman en particulier», a expliqué Wes Anderson devant la presse.

Il puise également ses influences dans les films d'un des rois de la comédie américaine, d'origine allemande, Ernst Lubitsch. «Pendant le tournage à Görlitz, nous avions un assortiment de films à regarder parmi lesquels se trouvaient des oeuvres de Lubitsch». Mais pas seulement. S'y trouvait aussi Ingmar Bergman avec Le silence, qui «se déroule également dans un pays imaginaire», a ajouté Anderson en avouant encore quelques emprunts dans sa manière de travailler à Stanley Kubrick, «un de mes maîtres».

The Grand Budapest Hotel a été tourné dans cette petite ville allemande située à la frontière de la Pologne et de la République tchèque, réputée pour ses bâtiments de style gothique, baroque et même Art nouveau.

C'est dans un ancien grand magasin du début du XXe siècle que les scènes d'intérieurs ultra raffinés ont été tournées tandis qu'une maquette était utilisée pour l'extérieur. Chaque film est pour Anderson l'occasion de créer un univers complet.

L'histoire se situe cette fois dans une station thermale fictive d'un pays imaginaire, la république de Zubrowka.

Elle raconte les aventures de Gustave H (Ralph Fiennes), concierge d'un célèbre hôtel européen qui eu son heure de gloire entre les deux guerres, et d'un nouveau groom, Zéro Moustafa (Tony Revolori, nouveau venu au cinéma, puis F. Murray Abraham, en Zorro plus âgé), qu'il prend sous son aile et qui sera son allié le plus fidèle.

Gustave en aura bien besoin. L'une des plus riches et vieilles clientes de l'hôtel (Tilda Swinton, méconnaissable) sera retrouvée assassinée à son domicile, et comme elle laisse un tableau inestimable au concierge, il sera accusé. Car en face de lui il y a des héritiers cupides, emmenés par le redoutable Dmitri (Adrien Brody), flanqué de son homme de main (Willem Dafoe, méchant à souhait).

S'ajoutent dans des rôles plus ou moins courts - voire très courts pour Bill Murray ou Owen Wilson - Edward Norton, Harvey Keitel, Jason Schwartzman, tous des habitués du cinéma d'Anderson, mais aussi des nouveaux venus Jude Law, Mathieu Amalric, Léa Seydoux et surtout Saoirse Ronan, une Irlandaise de 19 ans.

Tout ce petit monde se croise sur un rythme effréné, et la vérité finira par éclater, au prix bien sûr de quelques cadavres supplémentaires.

Wes Anderson a déclaré aussi avoir «écrit l'histoire avec Ralph Fiennes en tête». L'acteur, «séduit par un scénario qui ne ressemblait à rien d'autre de ce qu'il avait lu précédemment», incarne ce concierge à la fois gardien du temple du savoir-vivre et de la diction, mais aussi prêt à tout pour satisfaire la nuit les besoins de sa clientèle, surtout ceux des dames les plus âgées.

Au contraire, son protégé Zéro est réservé, sauf à l'égard d'Agatha, une jeune pâtissière courageuse. Les jeunes Saoirse Ronan et Tony Revolori ont révélé chacun «s'être pincés quand on leur a proposé le rôle, pour être sûrs que ce soit vrai».