Le réalisateur bosnien oscarisé Danis Tanovic a présenté lors de la 63e Berlinale l'histoire vraie d'un couple de Roms face au drame de la discrimination, incarné par ses véritables protagonistes.

Tanovic, récompensé d'un Oscar en 2011 pour No Man's Land, un film sur l'absurdité de la guerre qui a ravagé son pays, a expliqué s'être appuyé, pour se lancer dans ce nouveau projet, sur un article de journal racontant l'histoire d'une femme à qui l'on avait refusé un traitement médical élémentaire après une fausse couche.

Epizoda u zivotu beraca zeljeza (An Episode in the Life of an Iron Picker), réalisé en neuf jours avec un budget de 17 000 euros et un petit appareil photo numérique, reconstitue l'épreuve traversée par cette femme et son compagnon qui jouent leur propre rôle.

Nazif Mujic collecte la ferraille pour assurer la subsistance de sa famille, installée dans un village près d'une décharge publique.

Sa compagne enceinte, Senada Alimanovic, fait la cuisine, nettoie et s'occupe de leurs deux filles. Mais pendant une journée particulièrement éprouvante, elle ressent une vive douleur abdominale. A l'hôpital, elle apprend qu'elle a fait une fausse couche et porte en elle un foetus mort de cinq mois.

Alors qu'elle risque la septicémie, une opération s'impose mais, faute d'assurance et d'argent, le couple ne peut se la permettre. Ils plaident leur cause auprès du directeur de l'hôpital et des services sociaux mais essuient des refus répétés. Nazif se désespère à mesure que Senada s'affaiblit.

Et ce n'est qu'en empruntant la carte d'assuré d'une proche et en la faisant passer pour celle de Senada, dans une clinique - au risque d'être arrêté pour fraude - qu'ils parviennent à la sauver in extremis.

Nazif Mujic, vétéran de la guerre de Bosnie qui a perdu un frère dans les combats, estime que la pauvreté et la discrimination rampante visant les Roms en Bosnie a failli transformer leur vie en tragédie.

«Nous ne pouvons changer la couleur de notre peau, nous sommes roms. Je suis honnête, je vis ma vie, je ne vole pas et je n'ai jamais eu honte de qui je suis, d'être rom», a-t-il dit, après une projection chaleureusement accueillie.

Danis Tanovic, 43 ans, a raconté avoir appelé son producteur après avoir lu cette histoire «injuste et dérangeante» qu'il considérait comme symptomatique de l'égarement de la Bosnie d'après-guerre.

«Mon pays est en crise depuis 25 ans. Les combats ont cessé mais la guerre continue. Nous n'avons aucune vision de la direction que doit prendre le pays et lentement, tout s'écroule», a-t-il déclaré.

An Episode in the Life of an Iron Picker est l'un des 19 films en compétition pour l'Ours d'or qui sera décerné samedi.