Le réalisateur britannique Ken Loach a présenté lundi soir à la Berlinale son documentaire The Spirit of '45, hommage à la Grande-Bretagne de l'après-guerre et aux politiques volontaristes menées par le Parti travailliste pour reconstruire le pays.

Emmenée par Clement Attlee, la gauche anglaise avait remporté à la surprise générale les élections législatives de 1945, en battant Winston Churchill qui avait pourtant guidé le pays pendant la période troublée de la guerre.

Dans un pays en ruine, manquant d'infrastructures, de logements et d'outils de production, le gouvernement avait alors nationalisé des pans entiers de l'industrie pour mener une politique d'économie planifiée qui devait durer 35 ans.

«Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un grand effort collectif pour tenter de résoudre les problèmes ensemble et pas en compétition les uns contre les autres», a expliqué à l'AFP le réalisateur qui n'a jamais caché ses sympathies socialistes, quelques minutes avant la projection de son documentaire en première mondiale dans le cadre du festival international du cinéma de Berlin.

Son film, qui rassemble des témoignages de septuagénaires et octogénaires ayant vécu cette transformation de la société britannique, mais aussi d'économistes, de sociologues ou d'hommes politiques, est un éloge quasiment sans nuance du concept de «propriété collective» des moyens de production.

Tout juste concède-t-il, lorsqu'il aborde l'arrivée au pouvoir de la conservatrice Margaret Thatcher en 1979, qui défera presque tout ce que le Labour avait fait dans l'immédiat après-guerre, que ce modèle n'a pas su dépasser le stade bureaucratique pour créer une vraie «démocratie industrielle».

Avec ce document, Ken Loach veut aussi adresser un avertissement au monde actuel, celui de l'après-crise financière de 2008, de l'après-crise de la dette, avec «son industrie déclinante, ses vies détruites, ses pays détruits» par la récession et les plans d'austérité.

«Par bien des aspects la situation est pire maintenant qu'en 1945», a-t-il même jugé. «Il y a aujourd'hui un chômage de masse qui n'existait pas après la guerre, il y a une sorte d'aliénation qui n'existait pas, une nouvelle forme de pauvreté», poursuit-il.

Pour Ken Loach, la situation actuelle «est très dangereuse» et rappelle de façon inquiétante «la grande dépression des années 1920 ou 1930, dont on sait comment elle a fini».

Avec son documentaire, le réalisateur a voulu rappeler à la mémoire collective ce qu'ont apporté un jour des solutions jugées aujourd'hui dépassées et ringardes. «Il est peut-être temps de trouver de nouvelles réponses à la crise, ce que l'Union européenne échoue totalement à faire», a-t-il estimé.