Regroupés sous le thème «Luttes et libérations», trois courts métrages documentaires québécois consacrés aux défis d'émancipation d'autant de peuples africains sont présentés en un programme demain soir, à 20h15, dans le cadre du festival Vues d'Afrique.

Les spectateurs pourront entre autres y voir le très touchant film À force de courage de Pierre Falardeau et Julien Poulin consacré aux paysans algériens qui se réapproprient la terre, quatorze ans après l'accès de ce pays à l'indépendance.

S'ajoutent le film Visite d'Agostino Neto de Jean-Pierre Masse consacré à un militant angolais et Nous sommes assis sur un volcan, documentaire de Suzanne Côté portant sur la visite à Montréal de l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, alors plongé en pleine lutte contre l'apartheid.

Les trois films sont présentés par l'organisme Vidéographe qui soutient les artistes indépendants en apportant son aide à la création, diffusion et distribution des films.

«Notre catalogue comprend une soixantaine de titres sur l'Afrique, Haïti et la diaspora africaine. Ces trois oeuvres nous semblaient intéressantes du fait qu'elles s'attardent à des questions plus politiques, dit la conservatrice Karine Boulanger.

La reconquête de la terre

Tournés en 1976, le film de Pierre Falardeau et Julien Poulin nous montre le quotidien de fermiers qui tentent avec les moyens du bord, et souvent pratiquement moyenâgeux, de se réapproprier et de cultiver les terres confisqués durant la colonisation française.

«L'intérêt du film est de voir des gens ordinaires qui, sans avoir été des leaders de la révolution algérienne, ont combattu et ont parfois été torturés, dit Karine Boulanger. Dans la démarche cinématographique de Falardeau et Poulin, À force de courage est un de leurs films les plus documentaires. Les réalisateurs laissent la parole aux paysans, sans ajouter leurs commentaires.» En entrevue à La Presse, Manon Leriche, la compagne de longue date de Falardeau, raconte que ce voyage en Algérie a été initié par Albert Sicotte, un ami anthropologue du cinéaste.

«Alfred a travaillé toute sa vie en Afrique, dit-elle. Il était avec l'organisme SUCO à l'époque et a invité Pierre à venir faire un film sur l'Algérie. Il lui a donné carte blanche tout en ajoutant que les deux seules choses qu'il ne voulait pas voir étaient des chameaux et des puits de pétrole.» À Alger, il faisait très chaud. Falardeau et Poulin décident donc de sortir de la ville. Ils ont découvert des domaines autogérés d'agriculture où les travailleurs tentaient de récupérer les terres». C'est le choc. Dans ces gestes répétés et quotidiens, ils voient une métaphore des luttes indépendantistes.

«On a voulu montrer à des Québécois que ça pouvait servir à ça, l'indépendance», disait le cinéaste à l'auteure Mireille La France dans le livre d'entretiens Pierre Falardeau persiste et filme!. Réalisateur du film Visite d'Agostino Neto, Jean-Pierre Masse est quant à lui connu pour sa coréalisation de l'oeuvre La nuit de la poésie (1970) avec Jean-Claude Labrecque. Enseignant à l'École des médias de l'UQÀM, M. Masse a tourné le film sur Neto en 1974 alors que ce militant politique était en tournée au Québec et au Canada pour faire connaître la lutte des Angolais pour se libérer de l'emprise portugaise sur leur pays. Un an plus tard, il devenait le premier président de la République populaire d'Angola.

Quant au film de Mme Côté, il fut tourné à Montréal un an et demi après que Desmond Tutu eut reçu le prix Nobel de la Paix. Mais à l'époque, la lutte contre l'apartheid demeurait un combat de tous les instants en Afrique du Sud.

Manon Leriche et Jean-Pierre Masse sont attendus à la projection demain soir.