Dalton Trumbo, le scénariste de Vacances romaines et Spartacus, blacklisté à Hollywood car accusé de communisme au temps du maccarthysme, était jeudi à l'honneur du Festival du film de Londres, dans le film biographique éponyme présenté en première européenne.

Et c'est Bryan Cranston, devenu une star internationale en incarnant Walt, le professeur de chimie devenu trafiquant de méthamphétamine dans la série Breaking Bad, qui le personnifie avec subtilité et humour.

«C'est un récit édifiant», l'histoire d'un «homme qui se retrouve en prison pendant un an alors qu'il n'a rien fait», a résumé en conférence de presse l'acteur américain de 59 ans. «C'est un message qui a une résonance internationale, à chaque fois qu'un gouvernement outrepasse ses pouvoirs et que la presse viole les droits d'un citoyen».

Face à Dalton Trumbo, l'un des «Dix d'Hollywood» qui refuseront de répondre aux questions de la commission des activités antiaméricaines, la redoutable chroniqueuse mondaine Hedda Hopper, incarnée par Helen Mirren, mène la chasse «aux rouges», sous ses chapeaux élégants et ses manières raffinées.

Interrogée sur la réaction qu'elle aurait eue face à la véritable Hedda Hopper, l'actrice a répondu en riant: «elle m'aurait fichu une de ces trouilles. D'ailleurs, beaucoup de journalistes me fichent la trouille».

Un humour fondé sur «l'absurdité des comportements humains»

Pour la comédienne oscarisée de 70 ans, «c'est aussi une histoire sur l'impressionnant pouvoir de la presse et comment il peut être utilisé à mauvais escient».

Reconnu «coupable» d'appartenir au parti communiste américain, l'auteur et réalisateur de Johnny s'en va-t-en guerre se retrouve en prison pour une année en 1950, loin de sa femme (interprétée par Diane Lane) et de ses enfants. Inscrit sur la liste noire des «traîtres» de Hollywood, il est de facto condamné à ne plus travailler.

Mais c'est sans compter son opiniâtreté et son talent, à grands renforts de cigarettes et de whisky, qui lui permettent de multiplier les scénarios, écrits au fond de sa baignoire et qu'il fait signer par des amis ou sous pseudonyme.

Ironie de l'histoire, il obtiendra deux Oscars pour Vacances romaines et Les clameurs se sont tues qu'il avait fait signer par John Dighton et sous le pseudonyme de Robert Rich.

Le film suit sa chute, les humiliations subies, son séjour en prison, le déclassement social et la trahison de certains «amis».

Un chemin de croix pourtant sans cesse éclairé par un humour pince sans rire, truffé de répliques savoureuses.

«Je trouve que c'est la meilleure forme d'humour, non fondée sur des blagues mais sur l'absurdité des comportements humains», note Helen Mirren.

Ce long métrage de l'Américain Jay Roach (Austin Powers) montre également la lente renaissance de Trumbo, par une porte dérobée, grâce à son talent incontesté.

C'est un hommage à la solidarité entre scénaristes et au soutien apporté par certains producteurs, au premier rang desquels, Frank King, incarné par le toujours excellent John Goodman, qui multiplie les commandes de scénarios de films de seconde zone pour faire vivre les auteurs parias.

Le film permet aussi de revisiter l'histoire du cinéma américain, faisant revivre les figures mythiques du Hollywood de ces années-là: Kirk Douglas, en jeune star qui sera le premier à créditer officiellement Dalton Trumbo pour l'écriture de Spartacus. Mais aussi John Wayne, en conservateur pur jus, ou Otto Preminger en réalisateur ultra exigeant mais acquis à la cause de Trumbo à qui il a confié l'écriture d'Exodus.

Interrogé sur la persistance des listes noires à Hollywood, Bryan Cranston a estimé que certaines personnes comme Mel Gibson se trouvaient sur des listes noires «auto-imposées», à cause de leur comportement.

«J'espère qu'il n'y a plus de listes noires liées aux orientations politiques ou sexuelles, je pense que nous sommes en train de sortir de ça ce qui est une bonne chose».