Depuis près de 20 ans, Patrick Huard est l'une des plus grandes vedettes du cinéma québécois. Sa présence à Locarno, où il accompagnera ce soir la présentation de Guibord s'en va-t-en guerre, constitue pourtant une première pour lui!

L'an dernier, il n'était pas de la tournée mondiale de Mommy. Avant sa présentation au Festival de Cannes, peu de gens étaient même au fait de la participation de Patrick Huard dans le film à succès de Xavier Dolan.

«Dès le départ, il était entendu que l'attention serait mise sur le trio Anne [Dorval], Antoine Olivier [Pilon] et Suzanne [Clément], expliquait l'acteur hier au cours d'un entretien. J'étais très à l'aise, très heureux de ça. Autrement, l'attention aurait alors pu dévier sur autre chose. Je ne le souhaitais pas, d'autant que le rôle était secondaire. Tout cela s'est déroulé de façon très correcte.»

Aussi a-t-il cette année la chance de vivre pleinement une nouvelle aventure internationale. Mis à part une soirée de gala au Festival de Toronto avec Starbuck, jamais Patrick Huard n'avait-il encore eu la chance de lancer un film à l'étranger. Son baptême a lieu aujourd'hui à Locarno, où se tient un festival de cinéma réputé pour la qualité et la rigueur de sa programmation. À quelques heures de la présentation, à peine descendu de l'avion, l'acteur a du mal à visualiser ce qu'il s'apprête à vivre.

«J'ai de la difficulté à imaginer une projection extérieure avec des milliers de spectateurs, dit-il. Il me faut assimiler un peu tout ça. On se retrouve dans un autre pays, sur un autre continent, et il y a des milliers de gens qui vont regarder le film sur une immense place à l'extérieur. Ça me bouleverse pas mal. Je ne savais pas non plus qu'un horaire pouvait être chargé à ce point-là. À Cannes, ça doit être hallucinant!»

L'acteur, il va sans dire, est ravi d'accompagner Guibord s'en va-t-en guerre dans sa mise au monde à Locarno. Il ne tarit d'ailleurs pas d'éloges envers Philippe Falardeau.

«Je suis incapable de prédire le succès d'un film, lance la vedette d'Ego Trip. La seule chose que je peux affirmer avec assurance, c'est que Guibord s'en va-t-en guerre constitue le plus beau tournage de ma vie. Ça tient à la créativité, l'ambiance, l'équipe, le leadership de Philippe. Tous les jours, on avait hâte de nous rendre au travail. Philippe est un leader exceptionnel et il amène avec lui son enthousiasme contagieux. Et il a une vision très claire de ce qu'il veut. Voilà où est la différence entre les cinéastes et les réalisateurs. Moi, j'ai déjà réalisé des choses, mais je ne suis pas cinéaste.

«Vraiment, poursuit-il, je suis sorti de là sur un «méga high». J'ai aussi parfois vécu ce genre de choses avec d'autres, Xavier, par exemple. Mais je n'avais que cinq jours de tournage sur Mommy. Et puis, j'ai aussi une autre certitude: je suis extrêmement fier de ce film.»

Un moment aux Jutra

S'il n'a pas vraiment l'impression de franchir une nouvelle étape de sa carrière, l'acteur dit être touché quand des cinéastes font appel à lui.

«Je n'ai malheureusement pas pu tourner dans le film qu'André Forcier vient de faire à cause d'un conflit d'horaire, mais ça m'a vraiment beaucoup touché qu'il pense à moi. Des gens comme Micheline Lanctôt, Xavier Dolan et Philippe Falardeau ont su voir autre chose et m'entraîner ailleurs. On cherche toujours à vivre de nouvelles expériences.»

Sa présence dans Guibord s'en va-t-en guerre serait d'ailleurs due à une performance donnée au cours d'un hommage rendu à Micheline Lanctôt à la soirée des Jutra. C'est à ce moment que Philippe Falardeau et le producteur Luc Déry se seraient dit qu'ils tenaient enfin «leur» Guibord.

«Nous nous sommes rencontrés; ça a tout de suite cliqué, mais comme dans des univers parallèles, explique Patrick Huard. J'y voyais une histoire très familiale, très humaine, alors que Philippe avait une vision plus intellectuelle, plus sociale. Je crois que le mélange des deux donne quelque chose d'extraordinaire. Quand j'ai lu le scénario, j'ai d'abord vu l'être humain derrière le politicien. Sa vie de tous les jours. Ce scénario se dévorait aussi comme un véritable «page turner».»

Patrick Huard se consacre aujourd'hui principalement à finaliser l'écriture de Bon Cop Bad Cop 2, dont le tournage vient d'être reporté au printemps prochain. Ce film, dans lequel l'acteur donnera toujours la réplique à Colm Feore, sera réalisé par Alain Desrochers.

En attendant, Patrick Huard s'apprête à vivre ce soir l'un des moments les plus singuliers de sa carrière.

Le grand jour

Rappelons que la comédie politique Guibord s'en va-t-en guerre sera lancée aujourd'hui quasi simultanément sur deux continents. La première mondiale du film aura en effet lieu aujourd'hui à 15h30 (heure du Québec) au Festival de Locarno.

Cette projection en plein air sur la Piazza Grande, qui devrait réunir quelques milliers de personnes, sera d'abord précédée par un hommage à l'actrice Bulle Ogier.

Celle qui a tourné pour Rivette, Buñuel, Fassbinder, Chabrol, Schmid, de Oliveira et bien d'autres recevra pour l'occasion un prix spécial récompensant l'ensemble de sa carrière.

Erlkönig, le nouveau court métrage du maître suisse du film d'animation Georges Scwizgebel, sera aussi projeté avant le nouveau film de Philippe Falardeau.

Une fois la soirée terminée à Locarno, Guibord s'en va-t-en guerre aura droit à une autre projection à la belle étoile, cette fois sur l'Esplanade Financière Sun Life du Parc olympique de Montréal.

Près d'un millier de spectateurs, lauréats de différents concours, se réuniront pour assister à cette avant-première nord-américaine inusitée. Hier, l'équipe du film s'est d'ailleurs prêtée au tournage d'une petite présentation destinée à la foule montréalaise.