Le festival du film de Marrakech (FIFM), rendez-vous traditionnel d'artistes arabes, français ou américains, a pris cette année un fort accent japonais en rendant un hommage fouillé au cinéma du «pays du Soleil Levant».

Jusqu'à samedi, la 14e édition du FIFM voit défiler sur son tapis rouge son lot habituel de célébrités: le Britannique Jérémy Irons, les Américains Viggo Mortensen et Danny Glover, l'Égyptien Adel Imam ou encore les Françaises Mélanie Laurent et Isabelle Huppert, cette dernière comme présidente du jury.

Mais, dans le même temps, il affirme son rang de grand rendez-vous ouvert sur le monde avec une rétrospective d'envergure du cinéma japonais, après avoir salué le 7e art scandinave en 2013.

En moins de dix jours, pas moins de 27 films nippons - sur un total de 87 - auront ainsi été projetés, notamment au cours d'une soirée spéciale marquée par le film Chigasaki Story, en compétition pour le premier prix.

«Le cinéma japonais est, avec les cinémas américain, français, italien, un des quatre qui fondent la grammaire cinématographique, la mise en scène. C'est peut-être même le plus grand», explique Bruno Barde, le directeur artistique du FIFM.

Compte tenu de sa profondeur historique - la compagnie la plus importante, la Nikkatu, fut fondée en 1912 - et son influence dans l'évolution du cinéma mondial, «il était inimaginable de ne pas faire de «rétrospective»», en omettant les «maîtres» Yasujiro Ozu, Kenji Mizoguchi ou Akira Kurosawa, poursuit-il.

Parmi ce large échantillon, de Nuages flottants (Mikio Naruse, 1955) à Still the Water (Naomi Kawase, 2014), figurent des «oeuvres cultes», comme le film d'animation Le voyage de Chihiro (2001, Hayao Miyazaki) et Sonatine (1993), de Takeshi Kitano, le premier à «faire rentrer le burlesque dans le drame».

En écho, et malgré l'absence notable de Kitano, «les disciples des maîtres du pays du Soleil levant» ont effectué le déplacement en nombre à Marrakech. Surpris et intrigués, eux aussi.

«Autodestruction»

Surtout connu hors du Japon pour avoir inspiré un remake hollywoodien de son film fantastique Ring (1998, devenu The Ring), Hideo Nakata admet vivre une première. «Je suis davantage habitué aux festivals spécialisés, et je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi gros: 27 films, c'est vraiment impressionnant», s'exclame ce réalisateur de 53 ans.

Bien que présent au Maroc pour la seconde fois, après un hommage personnel en 2010, Kiyoshi Kurosawa s'en étonne également. «À l'époque, l'organisation m'avait parlé d'un hommage global au cinéma japonais. J'avais pris ça pour un simple mot de politesse!», sourit-il.

Les oeuvres de ce réalisateur de 59 ans symbolisent l'aptitude à «l'autodestruction» du cinéma japonais, qui «bien évidemment, a été traumatisé par (la bombe nucléaire de) Hiroshima», souligne M. Barde.

À ce titre, «l'évolution récente du cinéma japonais reste caractérisée par cette notion de fragilité, dans un pays frappé par des tsunamis, des séismes... Chez ses réalisateurs, on sent que tout est éphémère», ajoute-t-il.

Acteur majeur de la scène mondiale, le cinéma japonais peine toutefois à sortir d'une forme de confidentialité en Occident, malgré les deux palmes d'or d'un réalisateur comme Shohei Mamura et quelques ovnis, tel L'empire des sens, de Nagisa Oshima (1976).

Dans le passé, «le cinéma japonais était une industrie génératrice de recettes. Aujourd'hui, c'est moins le cas», souligne Kiyoshi Kurosawa qui, en tant que professeur d'université, encourage ses étudiants à sortir des «dogmes».

«Il ne faut pas qu'ils se sentent contraints de forcément faire soit artistique soit commercial, et explorer des voies intermédiaires», plaide le cinéaste.

Le FIFM se clôture samedi avec la remise des prix parmi les 15 longs métrages en compétition officielle.