Dans Quelques heures de printemps, film français présenté au festival de Toronto, Stéphane Brizé aborde avec une grande élégance la difficile question du choix de «mourir dans la dignité», à travers l'histoire d'«une femme héroïque» et de ses rapports compliqués avec son fils.

Un homme, Alain Evrard, joué par Vincent Lindon, chauffeur-routier de son métier, sort de prison où il vient de passer 18 mois pour avoir convoyé des produits illégaux.

Brisé psychologiquement et socialement, incapable d'exprimer ses sentiments, il retourne vivre chez sa mère, Yvette (la comédienne Hélène Vincent), une veuve qui a connu une vie difficile et est atteinte d'un cancer.

La cohabitation entre ces deux êtres souffrants, qui s'aiment mais ne savent pas se le dire, va se détériorer et les insultes fuser. La mère ne supporte pas que son fils ait bêtement gâché sa vie, le fils ne supporte pas les manies de sa mère, qui avec son éternelle blouse, passe sa journée à faire le ménage et des puzzles.

Alain, qui a trouvé un travail dans une déchetterie, entame avec difficulté une relation avec une jeune femme (Emmanuelle Seigner) qui peine à le guérir de son mal de vivre.

Bien vite, la maladie d'Yvette empire. Ayant pris contact depuis plusieurs mois avec une association suisse qui aide les malades à «mourir dans la dignité», elle décide de partir en Suisse, où le suicide assisté est légal, contrairement à la France, pour y abréger ses souffrances.

«Une histoire qui se regarde avec le coeur»

Loin du mélodrame, le réalisateur a su transformer cette histoire de détresse et de mort en un film d'une grande sensibilité, aux dialogues épurés, grâce notamment au jeu tout en retenue d'acteurs au sommet de leur art.

Hélène Vincent, deux fois César de la meilleure actrice dans un second rôle (en 1989 pour La vie est un long fleuve tranquille et en 1992 pour J'embrasse pas), Vincent Lindon ou Emmanuelle Seigner sont étonnants d'authenticité et montrent chacun une grande force intérieure.

«C'est une histoire qui se regarde avec le coeur», a affirmé Hélène Vincent, en présentant, dimanche soir aux côtés du réalisateur, le film au public. Jouer ce personnage était extrêmement intense. Un rôle comme celui-là est un événement exceptionnel dans la vie d'un comédien», a-t-elle ajouté.

Selon l'actrice, «on ne raconte pas une telle histoire sans mettre (dans son jeu) tout ce qu'on est, tout ce qu'on sait. Yvette une femme comme des milliers d'autres, qu'on ne regarde pas, à qui on ne demande rien, profondément malheureuse, qui tient debout en tenant à la perfection sa maison, donc par une ritualisation du quotidien», analyse-t-elle.

Reconnaissante envers le réalisateur, l'actrice de 68 ans a également affirmé qu'il était «très rare qu'on offre un rôle aussi important à une comédienne de (son) âge».

Stéphane Brizé, dont c'est le cinquième long-métrage, a affirmé avoir pensé à faire ce film après avoir vu un reportage sur une association suisse oeuvrant pour le suicide assisté.

«Je pense qu'Yvette est une femme héroïque», a-t-il souligné, tout en se défendant d'avoir voulu plaider en faveur du droit de mourir dans la dignité, une question politiquement et socialement très sensible. «Mais je serai heureux si mon film contribue au débat», a-t-il toutefois ajouté.