Laurent Cantet fait du cinéma politique. À la différence de plusieurs des cinéastes qui s'engagent dans cette voie, il ne privilégie pourtant aucun camp, aucune thèse, aucune idéologie. Écartant d'emblée le moindre élan démagogique, il préfère plonger dans un enjeu aussi complexe que sensible, en laissant au spectateur le soin d'alimenter sa propre réflexion, quitte à lui faire mettre en doute ses idées reçues.

Le récit de L'atelier est campé à La Ciotat, une petite ville portuaire plantée dans un décor magnifique, jadis réputée pour ses chantiers navals. En cet été 2016, Antoine (Matthieu Lucci) s'inscrit à un atelier d'écriture mené par Olivia (Marina Foïs), une romancière connue.

Avec quelques autres jeunes en insertion, Antoine s'attaque ainsi à l'écriture d'un roman noir ayant La Ciotat pour décor. Des divergences émergent rapidement entre le groupe et le jeune homme. Ce dernier s'aperçoit vite que cet exercice sert essentiellement de prétexte pour faire resurgir de façon nostalgique le passé glorieux d'un endroit ayant perdu son lustre depuis la fermeture des chantiers navals il y a une trentaine d'années.

Surtout, Antoine estime qu'on évacue complètement les enjeux actuels de la société française, un comble au lendemain des attaques de Charlie Hebdo et du Bataclan. Pourquoi ne pas aborder de front ces questions anxiogènes, et, plus largement, traiter de tout ce qui peut mener à l'exclusion et au radicalisme?

Cantet sème tout de suite le doute à propos d'Antoine en le montrant très replié sur lui-même, ventilant parfois sa colère intérieure en jouant à des jeux vidéo, ou en nourrissant une fascination pour les armes. Il est aussi, surtout, celui qui est marginalisé par le groupe à cause de ses affirmations très tranchées, qui jurent nettement avec le discours des autres. Au point où Olivia sera fortement intriguée par le jeune homme et s'en approchera de loin. Ou de trop près. La sensualité qui émane de la façon qu'a le cinéaste de filmer cette espèce d'attirance dangereuse n'est en rien innocente.

Une jeunesse en révolte

Dans la parfaite continuité d'une démarche singulière, amorcée avec Ressources humaines, le film qui a révélé Laurent Cantet il y a près de 20 ans, L'atelier pourrait presque être la suite d'Entre les murs. On ne peut s'empêcher de penser que ces jeunes, à l'orée de l'âge adulte, auraient pu réchauffer les mêmes bancs d'école que les enfants d'hier. L'analogie s'arrête là, cela dit. Bien des choses ont changé depuis, notamment une cristallisation du discours ultranationaliste, auquel souscrivent maintenant, parfois, des gens issus des plus jeunes générations.

Le rôle que compte jouer Olivia renferme à cet égard une part ambiguë. Se rapproche-t-elle du jeune homme pour vraiment tenter de le comprendre ou l'utilise-t-elle plutôt pour trouver l'inspiration d'un nouveau roman? Autrement dit, veut-on vraiment prêter l'oreille à une jeunesse en révolte? Avons-nous seulement la capacité à bien l'entendre? C'est la question que pose brillamment Laurent Cantet dans son film, sans jamais juger les uns ni les autres, histoire de faire écho à l'état des gens plutôt qu'à l'état des choses.

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L'atelier. Drame de Laurent Cantet. Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach. 1h53.

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Image fournie par MK2 | Mile End

Affiche du film L'atelier