D'entrée de jeu, disons que Le trip à trois se situe dans la moyenne des comédies du même genre produites au Québec, celles dont le but affirmé est d'attirer le grand public dans les salles. Ni meilleure ni pire. On peut même prédire une carrière honorable à ce film calibré pour plaire au plus grand nombre, parsemé parfois de gags efficaces. Et c'est bien là le problème, d'une certaine façon.

Malgré la présence d'une nouvelle génération à la production, malgré un personnage féminin duquel on fait - enfin! - la véritable protagoniste d'une comédie en empruntant son point de vue, Le trip à trois reste un film très conventionnel, frileux à la limite. Surtout, il se révèle symptomatique du fossé qui ne cesse de s'élargir entre ce que l'on propose à la télévision et au cinéma en matière de comédie au Québec.

À quelques exceptions près, les comédies destinées au grand écran semblent en effet accuser des années de retard en comparaison à celles produites pour le petit écran, souvent mieux écrites, plus audacieuses, tant sur le plan du fond que de la forme.

Un système coincé

Il est d'ailleurs un peu ironique de constater que la comédie à vocation populaire au cinéma semble être coincée dans un modèle dont elle a beaucoup de mal à s'extirper, un système où la prise de risque est réduite au minimum. 

Les spectateurs étant beaucoup plus nombreux devant leur écran de télévision que dans les salles, nous devrions plutôt, logiquement, assister au phénomène inverse.

Car au-delà du titre du film, conçu évidemment pour marquer les esprits, il y avait dans cette idée une matière riche. 

Écrit par Benoit Pelletier (Le sens de l'humourEgo trip) et réalisé par Nicolas Monette (Aurélie Laflamme - Les pieds sur terre), Le trip à trois est construit autour de la crise existentielle d'Estelle (Mélissa Désormeaux-Poulin), une trentenaire qui commence à trouver un peu trop beige sa vie de mère et de conjointe. Aussi croit-elle trouver réponse à son questionnement en pimentant sa vie sexuelle, entraînant malgré elle son conjoint (Martin Matte) dans l'aventure. Ainsi, Estelle compte prendre tous les aspects de sa vie en main, tant sur le plan intime que professionnel.

Les situations semblent sortir d'une autre époque (imprimer toutes les fiches d'un site de rencontres, vraiment?) et se révèlent plutôt convenues. 

L'épisode de la procession échangiste dans un sous-sol miteux de Montréal-Nord s'en trouve aussi décalé dans les circonstances.

Cela dit, Mélissa Désormeaux-Poulin tire son épingle du jeu en se glissant dans la peau de cette femme trop sage à son propre goût, et Karine Gonthier-Hyndman marque des points en tirant le maximum de son rôle de nouvelle patronne, même s'il relève du cliché. 

De son côté, Martin Matte amène pratiquement son propre personnage dans l'histoire, au point où le spectateur pourra par moments penser qu'il est en train de regarder un épisode des Beaux malaises.

Pas une question de genre, mais...

À vrai dire, on se surprend à rêver de ce qu'aurait pu être cette comédie si une Tina Fey ou une Amy Schumer québécoise s'en était emparée. 

Cependant, point n'est question ici d'en faire une affaire de genre, car, après tout, l'histoire du cinéma est jalonnée d'auteurs qui ont su écrire de grands personnages pour des actrices, de John Cassavetes à Xavier Dolan, en passant par Pedro Almodóvar et tant d'autres. N'empêche. À constater le nombre de femmes scénaristes, spécialisées en comédie, qui brillent actuellement à la télévision au Québec, on se dit qu'il serait peut-être temps que notre cinéma les recrute aussi. Et leur confie davantage qu'un rôle de consultante au scénario.

* * 1/2

Le trip à trois . Comédie de Nicolas Monette. Avec Mélissa Désormeaux-Poulin, Martin Matte, Bénédicte Décary. 1 h 31.

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image fournie par les Films Séville