Il existe deux façons bien distinctes d'aborder cette adaptation cinématographique du roman autobiographique de Félix Leclerc. On peut d'une part se laisser bercer par la douce nostalgie émanant de ce conte dans lequel notre poète national relate sa douzième année d'existence, celle qu'il passera encore dans le chaud cocon familial sur les rives du Saint-Maurice avant d'aller poursuivre ses études dans la grande ville, à Ottawa.

On peut aussi trouver que l'univers dépeint dans ce film paraît pour le moins trop idéalisé, trop parfait, trop appliqué, trop lisse, trop beau.

Laissons-nous plutôt gagner par la première approche, car ce film assume pleinement sa nature. De surcroît, il est pratiquement impossible de faire abstraction du caractère très particulier que revêt ce projet pour le réalisateur, lui-même le fils de celui dont il raconte l'enfance au grand écran. Ce supplément d'âme, forcément, nourrit chaque plan d'un film qui s'inscrit hors du temps, hors des modes, qui évoque à la fois nos racines profondes et notre rapport au territoire.

LA DOUCEUR DE VIVRE

Campé en 1927, le récit est construit autour de la nouvelle amitié liant Félix (Justin Leyrolles-Bouchard) à Fidor (Julien Leclerc), un jeune homme un peu à part qu'il rencontre en livrant du bois avec son père (Roy Dupuis) et ses frères. En ce copain issu d'une famille pauvre, Félix voit son complément, et prend aussi conscience d'une réalité qu'il connaît mal. Fidor sera ainsi au coeur d'une série d'événements, comme autant de ressorts scénaristiques dramatiques (la pauvreté) ou amusants (sa présence à une soirée « chic » chez de riches Anglais).

La famille immédiate, aimante et aimée, figure également au coeur de ce portrait à caractère impressionniste, où le rythme alangui traduit bien l'espèce de douceur de vivre, vécue à travers les yeux d'un garçon qui devra bientôt quitter l'enfance.

Les magnifiques images (signées Steve Asselin) s'harmonisent à ce regard, d'où cette espèce de « perfection » sur le plan de la direction artistique. Les maisons, toutes fraîchement repeintes, dirait-on, possèdent le charme bucolique d'époque ; les paysages hivernaux, où la neige tombe tout doucement, sont féeriques ; la forêt est traversée de rayons de soleil chatoyants, bref, tout est ici magnifié afin d'évoquer le bonheur d'enfance du protagoniste.

DES SCÈNES APPUYÉES

Francis Leclerc a aussi eu du flair en choisissant ses acteurs. Dans le rôle de la mère de Félix, Fabiola, Catherine Sénart incarne parfaitement l'archétype de la « mère au foyer » québécoise de cette époque, compréhensive et dotée d'un instinct sûr. Le père, Léo, ne pouvait pas trouver meilleur interprète que Roy Dupuis. La maturité aidant, l'acteur crève l'écran en imposant cette figure paternelle à la fois forte, droite comme un chêne, se posant comme un point de repère immuable pour son fils. Les deux garçons, Justin Leyrolles-Bouchard et Julien Leclerc, tirent assez habilement leur épingle du jeu, même si leur partition est plus difficile à moduler.

Coécrit par le cinéaste Fred Pellerin, dont le trait de plume se fait beaucoup valoir dans les dialogues, le scénario tente d'évoquer le caractère poétique de l'oeuvre d'origine, ce qui donne, parfois, des scènes un peu trop « écrites », parfois même appuyées. Les scénaristes ont cependant trouvé une façon émouvante de boucler le récit.

Drame

Pieds nus dans l'aube

Francis Leclerc

Avec Justin Leyrolles-Bouchard, Roy Dupuis, Julien Leclerc

1 h 49

3 étoiles