C'est une histoire d'un autre temps qui, d'une certaine manière, nous parle d'aujourd'hui. En replongeant dans ses années de militantisme du début des années 90, pendant la crise du sida, Robin Campillo propose un portrait aussi émouvant que saisissant, qui interpelle du même coup le spectateur sur les vertus de l'action sociale.

Le tour de force du cinéaste, qui, après Les revenants (2004) et Eastern Boys (2013), nous offre ici son troisième long métrage, réside dans cette capacité à faire basculer son récit du social à l'intime, sans jamais perdre de vue sa vision d'ensemble ni céder à la tentation de verser dans le sentimentalisme, bien que ce film, tel qu'en lui-même, soit totalement bouleversant.

Campillo nous fait entrer dans son histoire comme si nous assistions pour la première fois à la réunion hebdomadaire du mouvement Act Up-Paris, formé d'un groupe de militants résolu à «défendre les droits de toutes les personnes touchées par le sida». À une époque où la maladie fauche des vies dans la quasi-indifférence des instances politiques et pharmaceutiques, Act Up mise sur des actions spectaculaires pour faire entendre son cri, dans l'espoir, surtout, d'attirer l'attention des médias.

Des accents de vérité

En plus d'évoquer la teneur de la discussion, au cours de laquelle plusieurs désaccords se font aussi entendre, cette réunion permet de déjà repérer ceux qui deviendront les protagonistes de cette histoire inspirée directement par le parcours du cinéaste.

Sean (formidable Nahuel Pérez Biscayart) est un jeune séropositif révolté dont Nathan (Arnaud Valois), non atteint par la maladie, tombe amoureux. Adèle Haenel incarne une pasionaria très convaincue, mais Campillo tient aussi à faire exister plusieurs personnages périphériques (la mère de Sean, notamment, magnifiquement interprétée par Saadia Bentaïeb), lesquels donnent à cette histoire de véritables accents de vérité.

Au-delà du rappel historique, qui indique à quel point le monde a changé depuis 25 ans, ne serait-ce que sur le plan de la communication, Robin Campillo parvient aussi à capter de façon remarquable l'état d'esprit d'un temps où, à cause de l'apparition d'une maladie en forme de condamnation à mort, l'apprentissage de la sexualité s'est fait dans un contexte inédit. 

Il se trouve pourtant que, malgré tout, le désir, le sentiment amoureux, l'élan vers l'autre deviennent encore plus forts, exacerbés par le sentiment d'urgence auquel ce film fait écho. 

Le dernier acte est en outre ponctué de scènes très émouvantes, que le cinéaste filme sans faux-fuyants en regardant la réalité bien en face, bousculant du même coup l'ordre «moral» et les tabous qui s'y rattachent.

120 battements par minute (le titre évoque le rythme de la house music) montre aussi une époque où, en l'absence de réseaux sociaux, le débat public empruntait une forme très différente, surtout sur le plan politique.

De formidables moments de cinéma

Cela dit, Robin Campillo maîtrise bien l'équilibre d'un film qui joue habilement sur plusieurs niveaux, et qui offre aussi de formidables moments de cinéma. Le cinéaste ose parfois des fulgurances lyriques et des scènes casse-gueule, dont l'une, de nature sexuelle, se déroule à l'hôpital.

Grand Prix au Festival de Cannes cette année (bien des festivaliers lui auraient attribué la Palme d'or), 120 battements par minute fait assurément partie des plus beaux films de 2017.

* * * *

120 battements par minute. Drame de Robin Campillo. Avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel. 2 h 20.

Consultez l'horaire du film

image fournie par MK2 | Mile End

120 battements par minute