Depuis la levée de l'embargo-critique, vendredi, la presse mondiale ne tarit pas d'éloges envers le nouveau long métrage de Denis Villeneuve. Disons-le d'entrée de jeu: ce concert de louanges est tout à fait justifié. Relevant avec brio un défi quasi impossible à relever, du moins sur papier, le cinéaste québécois parvient à proposer un film de grande envergure dans lequel on retrouve sa griffe personnelle, sans que l'oeuvre d'origine ne soit trahie d'aucune façon.

Mieux: ce nouvel opus vient enrichir le premier. Trente-cinq ans après la sortie du film de Ridley Scott, devenu rapidement un point de référence dans le cinéma de science-fiction, la filiation entre les deux longs métrages ne pourrait être plus harmonieuse, tant sur le plan narratif que stylistique.

Un questionnement profond

D'une certaine façon, le questionnement existentiel au coeur du récit (qu'est-ce qu'un être humain, en vérité?) se révèle plus profond dans le film de Villeneuve. Alors que Ridley Scott nous proposait une vision futuriste (2019!) qui, à l'orée des années 80, paraissait encore irréaliste au regard du spectateur, voilà que le monde dans lequel vivent les personnages de 2049 fait écho à des préoccupations résolument contemporaines.

Le réalisateur d'Incendies et d'Arrival traduit ainsi parfaitement l'atmosphère post-apocalyptique d'une mégalopole continuellement dénuée de lumière naturelle, dans laquelle on retrouve des versions «améliorées» de réplicants, ces esclaves créés par bio-ingénierie pour se mettre au service des humains. Parmi eux, quelques révoltés sont toujours pris en chasse.

Le scénario, écrit par Hampton Fancher (Blade Runner) et Michael Green (Logan), est astucieux au point d'avoir su lier de façon surprenante le présent au passé, d'où la présence du fameux Rick Deckard (Harrison Ford), retrouvé dans un casino de Las Vegas complètement délabré, symbole d'une civilisation ayant couru à sa perte. Activement recherché par l'agent «K» (Ryan Gosling), un blade runner exerçant le même métier, le vétéran serait peut-être en mesure de dénouer une énigme issue du passé.

Au-delà du récit, Blade Runner 2049 s'impose comme un poème visuel. À l'instar du film de Scott, il invite même à la contemplation.

Cette oeuvre se distingue ainsi grâce à son rythme, différent des films d'action montés serré, et n'hésite pas à prendre le temps qu'il faut pour trouver sa grâce, quitte à faire l'éloge de la lenteur parfois. Rappelons qu'avec le générique, le long métrage fait près de trois heures.

Roger Deakins, déjà cité 12 fois en 21 ans aux Oscars sans jamais obtenir la statuette, signe des images somptueuses, et la conception sonore, dans laquelle se fond l'excellente trame musicale de Hans Zimmer, impressionne.

Ryan Gosling, pour qui le rôle de l'agent «K» a été écrit, évolue dans cet univers avec aisance, et sa rencontre avec Harrison Ford provoque les frissons attendus. Les nombreux personnages féminins - et l'imagerie très «villeneuvienne» qui en découle - tiennent aussi le haut du pavé. Robin Wright, Ana de Armas, Sylvia Hoeks et Mackenzie Davis, entre autres, ont ici de beaux rôles à défendre.

À n'en pas douter, cette suite tardive s'inscrira dans l'histoire au même titre que le film qui l'a inspirée. Il n'y a maintenant plus aucun doute: Denis Villeneuve est désormais l'un des grands maîtres du cinéma mondial.

* * * * 1/2

Blade Runner 2049. Science-fiction de Denis Villeneuve. Avec Ryan Gosling, Harrison Ford, Ana de Armas, Jared Leto. 2h43.

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