L'histoire: Ce film met en lumière la contribution d'artistes issus des Premières Nations dans la musique populaire moderne. Des musiciens et chanteurs amérindiens en témoignent, d'autres disparus sont évoqués et admirés par d'éminents collègues, critiques et historiens de la musique populaire nord-américaine.

Le blues, le rock et le jazz ont été teintés par la culture et la créativité amérindiennes, voilà un fait objectif et peu connu des mélomanes. D'où l'objet de cette démonstration tardive, mais ô combien éloquente.

Prenons Rumble: le titre de ce film documentaire est aussi celui d'une pièce instrumentale composée en 1958 par Link Wray (1929-2005), musicien populaire issu de la communauté shawnee, en Caroline du Nord. Très proches de l'esprit amérindien, les effets de saturation générés par ce guitariste visionnaire avaient grondé sur l'entière planète rock, à tel point que la pièce a été mise à l'index à l'époque de sa sortie, les diffuseurs craignant ses propriétés subversives! Six décennies plus tard, la légende de Link Wray est enfin ravivée; bien au-delà de ses adeptes, on reconnaît que ce musicien exerça une influence cruciale sur tous les Pete Townshend de la british invasion et autres artilleurs du monde entier qui s'en réclament aujourd'hui. Iggy Pop l'affirme haut et fort!

Aidés par les nombreux contacts du guitariste apache Steve Salas, qui a partagé la scène avec les plus grandes stars du rock et du funk (George Clinton, Rod Stewart, Mick Jagger, etc.), Catherine Bainbridge et Alfonso Maiorana ont ainsi mené une vaste enquête sur la contribution amérindienne en musique populaire moderne. Pendant 102 minutes passionnantes pour tout mélomane qui se respecte (peut-être un peu longues pour les autres), ils font la preuve que les traditions autochtones sont parmi ses éléments constitutifs.

Dans cette optique, Rumble nous fait découvrir des airs et des rythmes patrimoniaux des Premières Nations du sud-est des États-Unis ; on en reconnaît illico les inflexions typiques du blues et du rock. Renversant ! On remonte la trace de l'Afro-Américain Charley Patton, un des pères du delta blues, de surcroît Black Indian, car du sang autochtone coulait aussi dans ses veines. On se retrouve à New York dans les années 30, époque où Mildred Bailey, autochtone issue de la communauté Coeur d'Alene, avait un ascendant énorme sur la gent jazzistique. Peu connue, la chanteuse fut un modèle pour Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Tony Bennett - qui le confirme par son propre témoignage.

Nous voilà dans les années 60; triomphe aux côtés de Bob Dylan un certain Robbie Robertson, jeune prodige canadien élevé dans la Réserve des 6 Nations et dont la mère était pure Mohawk. C'est aussi l'émergence de Buffy Sainte-Marie, Crie de Saskatchewan adoptée par une famille de Nouvelle-Angleterre, devenue folk singer au terme de grandes études universitaires.

On rappelle évidemment la posture dominante de Jimi Hendrix, génie de guitare rock et dont les origines étaient en partie cherokee. On redécouvre le poète et chansonnier John Trudell, issu de la communauté Santee Dakota. On évoque la gloire du grand guitariste rock Jesse Ed Davis, d'ascendance comanche et kiowa. On reconnaît les origines autochtones de feu le batteur Randy Castillo (Ozzy Osbourne, Mötley Crüe), du groupe Redbone ou du MC Taboo, de Black Eyed Peas.

Quiconque regarde à ce film ne pourra jamais plus écouter le blues, le jazz et le rock sans en saisir les composantes autochtones. Mieux vaut tard...

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Rumble: The Indians Who Rocked The World. Documentaire de Catherine Bainbridge et Alfonso Maiorana. 1h42.

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Image fournie par Rezolution Pictures

Rumble: The Indians Who Rocked The World