Adapté du roman Le cas Sneijder de Jean-Paul Dubois par le cinéaste Thomas Vincent (Je suis un assassinLe nouveau protocole), La nouvelle vie de Paul Sneijder fait partie de ces rares coproductions France-Québec qui tiennent la route, notamment parce que l'intrigue est intimement liée au sol québécois. Et cela, malgré quelques dialogues qui sonneront un peu faux dans l'oreille du spectateur d'ici.

Lorsque le film commence, nous sommes déjà au début de cette nouvelle vie annoncée par le titre; de l'ancienne vie de Paul Sneijder, on ne saura pas grand-chose, sinon qu'elle ne devait pas le combler. Français expatrié qui a suivi au Québec sa femme Anna (Géraldine Pailhas), une insupportable carriériste, Paul se remet physiquement d'un terrible accident d'ascenseur qui a aussi tué sa fille (née d'un premier mariage) et d'autres passagers. Il est le seul survivant.

Tandis qu'Anna voit dans cet accident une belle occasion de profiter d'un dédommagement financier substantiel qui pourrait assurer l'avenir de leurs deux fils, Paul peine à seulement continuer à vivre, aux prises avec des crises d'angoisse et un vide existentiel immense.

Il déteste l'avocat «requin» proposé pour sa défense (Gabriel Sabourin) et se prend d'affection pour MWagner-Leblonc (Pierre Curzi), l'avocat de l'entreprise qu'il est censé poursuivre. Encore pire pour sa femme, il démissionne de son poste de cadre à la SAQ pour devenir promeneur de chiens à L'Île-des-Soeurs, sous la supervision de Benoit (Guillaume Cyr), un sympathique obsédé des nombres, fasciné par la rare fatalité statistique qui s'est abattue sur Paul. Car quelles sont les chances de mourir d'un accident d'ascenseur de nos jours? Et encore plus d'y survivre?

Le réalisateur Thomas Vincent a pris soin d'éviter le décor «carte postale» de Montréal pour choisir des lieux impersonnels, typiques de la froideur efficace nord-américaine.

Paul Sneijder semble cerné de partout par l'insignifiance, alors qu'il est en pleine crise. C'est l'aspect le plus tragiquement drôle de ce drame saturé d'une immense mélancolie.

Tout le monde parle le même langage - et cela n'a rien à voir avec l'accent québécois -, soit celui de l'ambition, de la réussite, de l'excellence, de la stupide croissance personnelle ou de l'optimisme de pacotille, et Paul est traqué jusque dans sa maison impeccable par ses fils qui ne rêvent que d'étudier aux États-Unis et par sa femme exaspérée par sa résistance.

Car Paul Sneijder résiste, à sa façon, à cette vie absurde, mais surtout pour surmonter la culpabilité d'avoir survécu à sa fille, de qui sa famille l'avait éloigné. Que sa mort puisse servir «d'ascenseur social» à sa femme et à ses fils sans âme le dégoûte. Jusqu'où devra-t-il se rendre pour remonter à la surface de son gouffre?

Les célèbres yeux tristes et bleus de Thierry Lhermitte font merveille dans ce film doucement amer. Le comédien est particulièrement poignant dans ce rôle d'un homme brisé, qui accepte sa nouvelle fragilité comme un réveil qu'il ne peut ignorer.

L'excellente distribution québécoise, Guillaume Cyr en particulier, ajoute au décalage du personnage français, comme une petite touche d'étrangeté, même si par moments, les dialogues sont un peu trop écrits pour être naturels. La seule réserve que l'on a pour ce film étonnant, plus profond que ne le laisse paraître la bande-annonce comique.

* * * 1/2

La nouvelle vie de Paul Sneijder. Drame de Thomas Vincent. Avec Thierry Lhermitte, Géraldine Pailhas, Pierre Curzi, Guillaume Cyr. 1h54.

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Image fournie par Les Films Séville