Si le cinéma japonais se rend encore jusque dans nos salles, c'est en très grande partie grâce à ses exquis films d'animation. On est loin de l'époque où les longs métrages de Kenji Mizoguchi (Les amants crucifiés), Akira Kurosawa (Les sept samouraïs) et Shōhei Imamura (Pluie noire) créaient l'événement. De nos jours, il y a tout de même Kore-eda Hirokazu qui, sans atteindre la maestria de ses aînés, poursuit la tradition d'excellence. Notamment avec Notre petite soeur, vu à Cannes en 2015.

Le réalisateur est un habitué de la Croisette. Ses films ont été sélectionnés six fois depuis 2001, dont quatre fois en compétition officielle. Ce qui était le cas de Notre petite soeur, adaptation du manga Kamakura Diary.

Le mélodrame délicat s'attarde à trois soeurs dans la vingtaine, Sachi (Haruka Ayase), Yoshino (Masami Nagasawa) et Chika (Kaho), qui vivent ensemble à Kamakura. Par devoir, elles se rendent à l'enterrement de leur père, qui les avait abandonnées une quinzaine d'années auparavant. Elles découvrent avec stupeur l'existence d'une demi-soeur, Suzu Asano (Suzu Hirose).

Puisque personne ne prend vraiment soin de l'adolescente de 14 ans, le trio décide de l'adopter. Ce qui ne va pas de soi. Les jeunes femmes vivent des émotions contradictoires, en particulier Suzu, qui est rongée par la culpabilité: sa mère et sa naissance ont brisé le foyer de ses aînées...

Kore-eda Hirokazu peint un superbe portrait intimiste des trois soeurs indépendantes, ainsi que de leur petite protégée.

Très contemporain, le film laisse toute la place aux femmes, dans des rôles riches en nuances. Les hommes ne sont pas absents, mais ils évoluent en périphérie. 

Le réalisateur japonais renoue avec les thèmes qui lui étaient chers dans son film précédent, Tel père, tel fils (prix du jury à Cannes en 2013): la transmission, l'héritage familial, le devoir, la tradition. Il le fait de façon touchante et délicate, avec une mise en scène discrète et naturaliste (proche du documentaire) qui laisse toute sa place aux actrices et à leur formidable complicité. 

Cette sensibilité ne va pas sans un certain sentimentalisme, et parfois même un peu de mélo lorsque la musique devient trop appuyée. Mais sa touche, un mélange inusité de Tchekhov et de la télésérie La vie, la vie, dans son sens du détail humain, en fait un réalisateur à part.

La présence de Notre petite soeur dans nos salles se veut une occasion de voir du cinéma différent et touchant, extrêmement bien filmé - les images sont superbes. Ce qui frappe surtout, c'est qu'au-delà des différences culturelles, Kore-eda Hirokazu réussit à établir un climat de proximité qui nous rend les quatre jeunes femmes très familières. Ce n'est pas rien.

Le film est présenté dans sa version originale japonaise avec sous-titres en français et en anglais (Our Little Sister).

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Notre petite soeur. Drame de Kore-eda Hirokazu. Avec Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho, Suzu Hirose. 2h07.

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Image fournie par GAGA

Notre petite sœur