Spécialiste du roman d'espionnage, particulièrement efficace lorsqu'il joue sur un air de guerre froide, John Le Carré voit l'écran, petit comme grand, lui sourire à répétition en cette ère de Russie sous Poutine. Pensons à l'excellente adaptation de Tinker Tailor Soldier Spy (2011), au correct, mais sans plus, A Most Wanted Man (2014), ou encore l'une des séries de l'heure, The Night Manager.

Comme le deuxième, Our Kind of Traitor de Susanna White nage en eaux tièdes: c'est bien réalisé, mais sans plus, bien joué, mais sans rien de transcendant. On ne s'y ennuie pas, mais on n'est jamais surpris, ébloui, secoué, interpellé. Du drame d'espionnage assez simple sur le fond et très ordinaire sur la forme.

Professeur de poésie, Perry (Ewan McGregor, en qui, malgré tout son talent, il est toujours difficile de voir monsieur Tout-le-Monde) est en vacances à Marrakech où il tente de recoller - avec plus ou moins de succès - les pots cassés dans sa relation avec Gail (Naomie Harris), avocate de haut vol.

Il est alors contacté par un Russe imposant (Stellan Skarsgård, dont l'accent, au départ, ne convainc guère, un irritant qu'il parvient toutefois à nous faire oublier en cours de route). Il est affable, mais peut être violent, il est bon vivant, mais attention à quiconque voudrait s'en prendre aux siens. L'homme est en fait un as du blanchiment d'argent et il est prêt à donner des noms et des numéros de compte au MI6 - la mafia russe a en effet des visées sur Londres - si on assure sa sécurité et celle de sa famille.

Une délicate opération de défection s'enclenche. Entre autres orchestrée par l'agent Hector Meredith (Damien Lewis de Homeland, dont les montures de lunettes détournent l'attention du spectateur jusqu'à ce que, comme pour l'accent de Stellan Skarsgård, on les oublie).

L'intrigue n'est pas très complexe (on est loin de Tinker Tailor...), mais elle nécessite pas mal d'explications qui ralentissent le rythme. De plus, Susanna White, qui a surtout travaillé pour la télévision britannique (Bleak HouseParade's End), n'exploite pas assez les possibilités du grand écran et se rabat trop sur la trame sonore pour faire monter la tension.

Elle se sert toutefois fort bien - avec la complicité du directeur photo Anthony Dod Mantle - des lieux où se déplace le récit: difficile de faire moche avec Marrakech, Londres, Paris et les Alpes françaises. On ajoute à cela la beauté plastique du couple central, l'imposante présence de Stellan Skarsgård, et on obtient un film qui n'embête pas, mais qui n'emballe pas non plus. Donc, qui peut se consommer là où la réalisatrice a fait ses classes. Au petit écran.

* * 1/2

Our Kind of Traitor (V.F.: Un traître idéal). Drame d'espionnage de Susanna White. Avec Ewan McGregor, Stellan Skarsgård, Naomie Harris, Damien Lewis. 1 h 47.

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Image fournie par Les Films Séville