«Le cinéma, ce n'est pas une reproduction de la réalité, c'est un oubli de la réalité», a déjà dit Jean-Luc Godard. Le patriarche du cinéma français détesterait sans doute Money Monster. N'empêche que le film de Jodie Foster lui donne raison sur ce point: le cinéma est bien meilleur quand il prend des raccourcis avec la vie.

Présenté hors compétition, hier, au Festival de Cannes, en présence de ses stars, Julia Roberts et George Clooney, Money Monster est le quatrième long métrage réalisé par l'actrice de The Silence of the Lambs. Clooney, aussi l'un des producteurs, incarne Lee Gates, l'animateur-vedette terriblement suffisant et désabusé d'une émission financière qui ressemble à un pastiche des shows «sérieux» de MSNBC ou Fox. 

Au beau milieu de la diffusion en direct de l'émission, un spectateur paumé, ayant perdu tout son argent en suivant les conseils de Gates, prend en otage le gourou de Wall Street et toute son équipe sur le plateau. Suivront des scènes de suspense parsemées de gags et de rebondissements, filmées en temps réel, comme si le public en salle était aussi ces téléspectateurs collés à leur écran figurant dans ce thriller.

Et ça marche! Si le scénario réalisé à six mains tourne parfois les coins ronds, le film est un bon divertissement qui nous fait en plus réfléchir sur le cynisme de l'élite financière; les injustices de la société nord-américaine; la paranoïa propagée par la télévision et les réseaux sociaux; et les dérives de l'information spectacle. 

Le mélange des genres

Money Monster dénonce les folies du système boursier avec ses bonzes de la finance qui sacrifient les petits investisseurs pour mieux s'enrichir. Contrairement au commun des mortels, ces bien nantis ne risquent rien et sortent rarement perdants des déboires du marché. Mais dans le thriller hollywoodien, les escrocs multimilliardaires finiront par avouer leurs fautes, puis payer pour leurs fraudes. 

Imaginez-vous Donald Trump s'excusant publiquement pour toutes les conneries qu'il a dites dans sa carrière! Loin de la réalité, disait Godard.

Money Monster mélange les genres - drame, comédie, thriller et suspense policier - sans toutefois trouver le parfait équilibre. Or, le film se laisse regarder avec beaucoup de plaisir et sans ennui. George Clooney est parfait de charisme et d'aisance dans la peau de Lee Gates qui, d'abord surpris de se voir pris pour cible - «I'm just a guy on TV» -, se laissera attendrir par son bourreau. Il semble même qu'après la fin, Lee deviendra un bon journaliste et un honnête homme... Julia Roberts joue la réalisatrice de l'émission. Elle assiste au drame enfermée dans la régie, donnant des conseils à l'oreillette de son animateur pour éviter la panique, sans se douter qu'elle est en train de produire le show de sa vie!

Certes, Jodie Foster n'est pas une réalisatrice aguerrie. On est loin ici de l'intensité dramatique de Dog Day Afternoon (1975) (avec Al Pacino qui prenait des employés d'une banque en otages); ni de la force de Network (toujours aussi pertinent, 40 ans après sa sortie). Deux films réalisés par le grand Sidney Lumet qui dénoncent le ras-le-bol de l'Amérique coincée dans un système (économique et médiatique) qui fait miroiter la richesse et le bonheur... pour mieux profiter des plus vulnérables.

Bon coup de gueule de trois stars hollywoodiennes contre l'arrogance de la finance, Money Monster reste une amorce de réflexion sur le même thème.

* * * 1/2

COMÉDIE DRAMATIQUE. Money Monster. De Jodie Foster. Avec George Clooney, Julia Roberts et Jack O'Connell. 1h40.

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