Il est difficile de raconter l'intrigue de L'origine des espèces sans gâcher l'expérience du cinéphile, puisque l'expérience est contenue dans la quête d'une vérité qui se dévoile peu à peu, et de façon tragique. On peut cependant dire que ce premier long métrage de Dominic Goyer (qui a signé les courts Une robe blancheNotre nature) nage dans les eaux troubles et très fréquentées de la filiation - une obsession de notre cinématographie - à sa manière, à la fois étrange et boiteuse.

Alors qu'il vient tout juste d'entrer dans la paternité, David (Marc Paquet) est frappé par un drame qui brise toutes les illusions de son enfance. Son père (Marc Béland) n'est pas son père biologique. En voulant savoir d'où il vient, et quelle est la véritable histoire d'Agathe, sa mère (Élise Guilbault), une artiste renommée dans le domaine de l'animation, David se lance dans une enquête qui n'est pas loin de ressembler au conte de La Barbe bleue

C'est-à-dire que derrière les portes closes se cache parfois l'horreur. Et s'il est important de savoir la vérité, comment peut-on vivre avec elle lorsqu'elle est insoutenable? Savoir vraiment d'où l'on vient, dans ce cas, permet-il de savoir où l'on va, quand la connaissance nous scie les jambes? David ouvre les unes après les autres les poupées russes, terribles, de la vie de sa mère, qui lui dévoilent sa double vie, ses démons intérieurs et, dans un petit village, la source viciée de ses origines.

Dominic Goyer s'attaque à un sujet très sombre, mais son choix d'insérer dans le film des extraits de film d'animation (très beaux dessins de l'animatrice Éléonore Goldberg) nous éloigne du voyeurisme chaque fois que l'on s'approche du gouffre, sans pour autant nous l'épargner. L'image du lièvre étant fondamentale dans l'oeuvre d'Agathe, on peut penser à Alice de Lewis Carroll, sauf que nous ne sommes pas ici au pays des merveilles, mais des mensonges et de l'innommable...



Ce premier film de Dominic Goyer est un suspense psychologique qui repose entièrement sur les épaules de Marc Paquet, très crédible dans son rôle, alors que le reste de la distribution est un peu relégué au statut de figurants (les personnages secondaires sont peu développés).

Enfin, la révélation qui nous attend est plutôt rapidement balancée, et le spectateur doit rentrer chez lui en se demandant au juste ce qu'on a tenté de lui dire. Dominic Goyer semble hésiter entre le réalisme, le sujet social, le thriller et l'étrangeté, et chacune de ces voies contient de bonnes idées. On devine que ses véritables penchants s'affirmeront au fil de sa filmographie naissante.

* * 1/2

L'origine des espèces. Drame de Dominic Goyer. Avec Marc Paquet, Sylvie De Morais, David La Haye, Élise Guilbault. 1h32.

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PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE