Des images, de la musique, des dialogues minimalistes. Vanja D'Alcantara comprend davantage le cinéma que certains tâcherons après 30 ans de carrière.

Ça prend une bonne dose de culot dans le cinéma d'aujourd'hui pour faire tenir un film de plus de 90 minutes sur, disons, peut-être 20 pages de dialogues... C'est le pari que réussit la jeune cinéaste belge Vanja D'Alcantara avec Le coeur régulier.

«Il n'y a pas de réponse. Il n'y a que la vie. Inspirer et expirer», dira le vieux sage Daïsuke (Jun Kunimara) à Alice (Isabelle Carré).

Tout le film est là. Vanja D'Alcantara s'est vraisemblablement inspirée de cette leçon de vie en filmant le silence, en y ajoutant quelques notes de musique et des dialogues uniquement lorsqu'elle ne peut plus faire autrement.

Alice part au Japon à la suite de la mort de son frère Nathan (Niels Schneider) qui était, en quelque sorte, son rayon de soleil. Nathan s'était fait une petite amie au pays du Levant après avoir été tenté par le suicide. Le vieux Daïsuke lui a toutefois sauvé la vie. Policier à la retraite, celui-ci parcourt les falaises de son village pour empêcher des centaines de gens de mettre fin à leurs jours.

Comme lui, Alice se met en écoute, elle découvre la douleur des autres et se fond dans le paysage des abysses rougis par le sang des damnés. Elle reviendra à la vie elle aussi.

Le reste est histoire de non-dits, d'ellipses entre deux émotions, de plans de poussière voltigeant dans l'air, de panoramiques sur le vide, la nature, le vent, les chants d'oiseaux...

Les moindres tressaillements ou gestes des acteurs (tous excellents) sont captés. Autres signes expressifs qui ne mentent pas, qui n'ont besoin que d'un oeil attentif.

La cinéaste sait aussi utiliser l'ombre et la lumière. La caméra statique du début, dans l'univers froid de la France, est portée à l'épaule en arrivant au Japon, sans jamais devenir fébrile. Émouvant, le récit coule au diapason du roman homonyme d'Olivier Adam.

Pour les amateurs de gros plans télé et de dialogues incessants, le film pourra paraître long. Mais, ainsi vu et utilisé, le cinéma n'a vraiment pas besoin de mots. Il décrit parfaitement l'apaisement d'un souffle au coeur qui redevient simple respiration au gré du temps.

* * * 1/2

Drame. Le coeur régulier. De Vanja D'Alcantara. Avec Isabelle Carré, Jun Kunimura et Niels Schneider. 1h35.

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PHOTO FOURNIE PAR K FILMS AMÉRIQUE