Une étrange crise de panique des producteurs a précédé la sortie du troisième volet des Visiteurs, l'un des meilleurs box-offices du cinéma français dans les années 90. Pas de projection pour la presse, des propositions d'entrevues sans avoir vu le film au préalable, une bande-annonce qui ne dit rien, bref, tout cela était de mauvais augure et donnait envie de fredonner un célèbre chant révolutionnaire autrement : « Ah ! ça n'ira pas, ça n'ira pas »...

Comme pour éviter que le film ne soit mené à l'échafaud avant le premier week-end en salle, le plus important pour les recettes. Avec pour résultat, en France, un bon départ aux guichets de la part du public curieux, et une critique unanimement assassine.

C'est mérité. La critique ne boude pas son plaisir, cette fois, car on va jusqu'à se demander ce qui a pu se passer à la production pour accoucher d'une comédie où l'on rit si peu. Comme si un maniaque s'était introduit dans la salle de montage pour couper toutes les blagues et ne laisser que celles qui concernent la puanteur de nos deux héros : Jacquouille la Fripouille (Christian Clavier, dont la grimace est omniprésente) et Godefroy de Montmirail (Jean Reno, perdu non seulement dans le temps, mais aussi dans le film).

Après avoir visité notre modernité, les deux comparses du Moyen Âge sont encore coincés à une autre époque, soit en pleine Révolution française, alors que la Terreur révolutionnaire fait rage. Le noble Godefroy peut constater sans rien comprendre qu'on exécute de l'aristocrate à la pelle, même le roi. Il décide de sauver le dauphin pour le remettre sur le trône, en compagnie de ses héritiers qui tentent de fuir le danger, tandis que le descendant de Jacquouille fait sa place aux côtés de Robespierre, Saint-Just ou Marat (toujours dans son bain), dépeints comme de sinistres politiciens assoiffés de sang. Mais cet aspect de l'intrigue n'a pas de suite, inexplicablement.

Tout l'humour du film repose sur les dents pourries et l'haleine infecte de Jacquouille, qu'on ne cesse d'appeler Jacques Couille, assez pour qu'on se dise « okayyy, on a compris ! ». Ce n'est pas qu'on a peur de la blague scatologique, mais il n'y a vraiment que ça, entre quelques déplacements de comédiens d'un endroit à l'autre. Les dialogues sont aussi anémiques qu'un paysan en manque de pain sous l'Ancien Régime, ça crie et ça gueule sans arrêt, le montage est parfois d'une maladresse gênante, les personnages secondaires ne sont pas drôles, bref, on dirait carrément qu'on regarde les rushes d'un film qui n'est pas fini.

Il n'y a rien à comprendre dans cette comédie sans queue ni tête. Une comédie sans couilles ni tête, devrait-on dire, car la Révolution a pourtant un potentiel comique indéniable, pouvant jouer sur les classes sociales et les obsessions des Français, alors que la France ne va pas très bien. Éviter à ce point des blagues à saveur politique avec un tel sujet relève pratiquement de l'exploit, sinon du complot. On ne sait trop qui devrait être pendu à la lanterne pour un tel ratage. Aux armes, cinéphiles !

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COMÉDIE. Les Visiteurs - La Révolution. De Jean-Marie-Poiré. Avec Christian Clavier, Jean Reno, Franck Dubosc, Karin Viard.

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PHOTO FOURNIE PAR AZ FILMS

Les Visiteurs - La Révolution a pris l'affiche vendredi.